Une pièce en Afghanistan. Un homme couché. Sa respiration est lente. Il est dans le coma. Une balle dans la nuque. Il a fait le djihad. Dans la chambre, il y aussi sa femme. Elle prie, elle le soigne. Et puis, au bout de 16 jours identiques, elle lui parle. Pour la première fois. Elle lui dit tout ce qu’elle n’a jamais pu dire. Cette femme nous livre, sans craindre la vulgarité, sans prendre de détour, la vérité. Une vérité poignante, dérangeante, réelle. Elle nous raconte ses secrets, et, à travers ceux-ci, l’inégalité, l’humiliation, la crainte, que subissent les femmes dans son pays. Et, malgré tout cela, elle trouve la force de soigner, d’embrasser, de caresser l’homme qui l’a opprimée. Car, lorsqu’il se réveillera, tout aura changé. Ses mots l’auront changé. Et en attendant, elle l’écoute. La respiration de son mari rythme sa vie, comme ce récit. Le temps n’est plus compté en jours, mais en respiration. Et ce souffle, on le sent aussi dans le style, haletant, frémissant. Un style direct, qui se rapproche du théâtre, un style où les mots ne peuvent qu’émouvoir. Je pourrais résumer Syngué sabour en un seul mot : bouleversant. Rapha Elle s’écarte du mur, ferme les yeux, respire profondément pour dire un mot. Elle n’y arrive pas. Le mot doit être lourd, lourd de sens, lourd à écraser sa voix. Elle le garde alors au fond d’elle, et cherche autre de léger, doux, facile à énoncer : « Et toi, tu savais que tu avais une femme et deux filles ! » Elle se frappe sur le ventre. Une fois. Deux fois. Comme pour expulser ce mot lourd qui s’est enfui dans ses tripes. Elle s’accroupit et crie : « Est-ce que tu pensais un moment à nous lorsque tu épaulais ta putain de Kalachnikov ? Fils de… », réprimant encore le mot.
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AuteurRaphaëlle, 17 ans, grande lectrice, du classique à la science-fiction. ArchivesCatégories |