Résumé: Le narrateur de la Recherche est et n’est pas l’auteur. En effet, ce personnage nous partage sa vie, ses rencontres, ses voyages, ses amours (ou plutôt son amour, toujours le même, se répétant de façon différente), ses opinions, sa perception du réel, son parcours pour enfin devenir un écrivain, tout en étant imaginaire, sans prénom, ce qu’il nous prouve à quelques reprises : « Dès qu’elle retrouvait la parole elle disait : « Mon » ou « Mon chéri » suivis l’un ou l’autre de mon nom de baptême, ce qui, en donnant au narrateur le même nom qu’à l’auteur de ce livre, eût fait : « Mon Marcel », « Mon chéri Marcel ». » et « Dans ce livre où il n’y a pas un seul fait fictif, où il n’y a pas un seul personnage « à clefs », où tout a été inventé par moi selon les besoins de ma démonstration, je dois dire à la louange de mon pays que seuls les parents millionnaires de Françoise ayant quitté leur retraite pour aider leur nièce sans appui, que seuls ceux -là sont des gens réels, qui existent. ». Comme vous l’avez remarqué, les phrases de la Recherche ont la particularité d’être longues, de telle façon que relire une phrase parce que nous avons pris conscience en la finissant que nous avions oublié son début est très fréquent.
Si à la lenteur à laquelle nous avançons dans les pages nous rajoutons le nombre de tomes (7), nous obtenons une lecture longue, qui dans mon cas m’a pris deux mois. Deux mois pendant lesquels j’ai tour à tour ressenti, envers ce livre, de l’amour et de l’agacement, car il y a quelques longueurs, peu nombreuses heureusement. De ce fait, certains passages m’ont occupés pendant plusieurs semaines, tandis que d’autres ont été engloutis en quelques heures. Ces heures frénétiques où j’oubliais le temps qui passait et les pages qui se tournaient, où j’espérais que je ne finisse jamais la Recherche, font partie des plus marquantes de mon expérience littéraire. Ces phrases donnent une atmosphère étrange, décalée, qui attire l’attention du lecteur sur les choses les plus futiles, comme la vue d’un clocher, le parfum des aubépines, le gout d’une madeleine. Cette atmosphère est accentuée par le charme des personnages, due leur manière unique de parler. Ils appartiennent à la bourgeoisie ou à la haute noblesse du début 20e, et la description de leurs milieux accompagne celle de leurs qualités et défauts, ainsi que celle de l’évolution de ceux-ci. Hypocrisie, snobisme, familiarité, conversations, art, rencontres, jeux, tout y passe pour nous représenter au mieux ce que furent les salons de cette époque. L’évolution des personnages, et donc de leurs milieux, s’installe lentement mais cause quelques surprises : un homme médiocre qui s’avère être un écrivain de talent, des mariages inattendus, et j’en passe. Je n’ai pas éprouvé que de l’étonnement, mais aussi les émotions du narrateur (à plus petite échelle que lui évidemment). Par exemple, j’ai également ressenti de la tristesse, au moment où il comprend qu’il a perdu sa grand-mère. Cependant, il m’a aussi rendu très mal à l’aise lorsqu’il surveille étroitement sa maitresse. J’ai eu du mal à finir cette partie car c’est la seule où je me suis sentie détachée du narrateur. Durant le reste du roman, je me suis sentie très proche de sa pensée et de son raisonnement. Cette presque totale empathie s’explique par le fait que le narrateur décrit des choses que nous avons tous vécues, sans savoir parfois les expliquer, comme l’état étrange qui suit le sommeil et précède le réveil, ou encore fournit des vérités inconnues, entre autres sur notre rapport à la lecture : «Car ils ne seraient pas, selon moi, mes lecteurs, mais les propres lecteurs d’eux-mêmes, mon livre n’étant qu’une sorte de ces verres grossissants comme ceux que tendait à un acheteur l’opticien de Combray : mon livre, grâce auquel je leur fournirais le moyen de lire en eux-mêmes. ». Ainsi, la Recherche se situe entre essai et roman, et les passages argumentatifs et narratifs se suivent naturellement. Le narrateur nous emmène d’un événement à une idée, d’une idée à un évènement, pour arriver à quelque chose d’entièrement différent, sans que nous puissions nous rappeler tous les enchaînements logiques qui nous ont amené là. Et parfois il lui arrive de revenir en arrière afin de poursuivre une explication entamée plusieurs dizaines de pages auparavant. En conclusion, je ne dirai pas : ‘‘Il faut lire La Recherche à tout prix !’’. Parce que ce roman est long, et que ceux qui n’aiment pas lire verraient leur dégoût se transformer en haine. Mais pour ceux qui aiment lire, ils ne perdent rien à essayer. Car la Recherche est unique. Rapha
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AuteursRaphaëlle, 17 ans, grande lectrice, du classique à la science-fiction. Archives
Juin 2019
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