Résumé: Le petit Papin vit entouré de son père, Clauzius, et de sa mère, Clauzia, en Belgique. De son enfance à l’âge adulte, il raconte son histoire et par la même occasion l’histoire de son pays et de sa littérature, la pauvre petite malheureuse. Jean Muno, de son vrai nom Robert Burniaux, nous livre un roman partiellement autobiographique, dont il modifie certains détails afin que son histoire apparaisse comme une métaphore bien élaborée de l’histoire de la littérature belge. En effet, dans les années 80, apparaît chez les écrivains belges un sentiment de belgitude. Désormais, ils ne cherchent plus à écrire de la littérature française, et assument leur singularité. J’ai adoré cet aspect métaphorique et poétique, amené de manière si subtile et délicate. Muno raconte l’histoire de la littérature belge, mais également celle de son pays. Ainsi, il parle avec ses yeux d’enfants de la seconde guerre mondiale (qu’il décrit comme un événement plutôt palpitant, dont il n’a pas vraiment souffert), puis avec ses yeux d’adultes les sixties, l’évolution de l’enseignement, les problèmes linguistiques, l’évolution des mentalités. Mais Histoire exécrable d’un héros brabançon n’est pas qu’un manuel d’histoire de la littérature, c’est aussi un livre plein de tendresse qui m’a beaucoup émue. En effet, la relation de Papin avec son père est très particulière et à la fois tellement authentique. On remarque également une évolution dans la manière dont il le décrit. Au début, alors que le petit Papin est enfant, son père est un dieu vivant, l’homme le plus intelligent et le plus sage à ses yeux. Mais malgré ce sentiment d’admiration pour son père, qui cherche avant tout à l’éduquer et à faire de lui l’homme le plus instruit possible, ils cultivent tous deux une sorte de distance. Puis, lorsqu’il rencontre Sinovie, les failles de ses parents apparaissent, et il commence à s’en affranchir. J’ai également tout particulièrement apprécié le style de cet auteur, très particulier. En effet, Jean Muno a développé sa propre manière d’écrire, faisant violence à la langue. Ce style est élégant et sophistiqué sans être pédant. Il est également plein d’humour et d’ironie. J’ai aussi aimé l’effet de flash-back après la préface, à l’aspect volontairement obscur à la première lecture, et qui se doit d’être relue après avoir terminé le livre pour être comprise. Par ailleurs, la fin du roman m’a beaucoup plu, car elle est très originale et inattendue. Elle n’est pas marquée par l’une ou l’autre action, comme c’est le cas de nombreux livres, mais par un texte tout à fait surprenant, puisque Papin semble y perdre la tête. En effet, Clauzius vient de mourir et Papin ne sait plus où il en est. Il s’écrit des lettres à lui-même, ne sait plus s’il est Muno ou Papin, sachant qu’aucun de ces noms n’est véritablement le sien. Il divague, tourne en rond, prend sa retraite et se retrouve pour la première fois de sa vie sans son fidèle cartable. En conclusion, je vous recommande vivement cette Histoire exécrable. Il m’a fallu quelques pages pour m’habituer et pour apprendre à apprécier cette manière d’écrire assez singulière, mais je ne regrette pas d’avoir persévéré, car il s’agit d’un des meilleurs livres que j’aie pu lire. Elise Pas seulement triste: angoissant. Ne pas savoir où l’on va, soit, c’est banal, mais ignorer d’où l’on vient ! On se sent perdu quelque part entre Nord et Sud, sans point de repère. Ah ! comme je les enviais ceux qui, depuis quelques années, petits et grands, anonymes ou notoires, à dos d’âne ou de pur-sang, faisaient gaiement retour aux sources.
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Il y a quelques temps, dans mon article sur La fille de Brooklyn de Guillaume Musso, je soulignais que les thèmes qu’il abordait étaient assez répétitifs. J’avais également la désagréable impression, après avoir lu plusieurs de ses livres, que les personnages n’étaient que des copier-coller les uns des autres, sans véritable personnalité propre. Par ailleurs, j’étais gênée par le fait que les intrigues étaient souvent similaires. Je me suis alors posée une question sur cet auteur : n’est-il réellement qu’une machine à vendre ? Je pense que l’on peut clairement répondre que oui, cet auteur rapporte énormément et les éditeurs auraient tort de s’en priver. Visiblement, Musso a compris la recette d’un livre qui marche et il ne se gêne pas pour l’utiliser, ce qui en fait un auteur tout-à-fait commercial. Mais… est-ce que c’est vraiment mal ? Après tout ce n’est pas parce qu’un livre a du succès qu’il est mauvais, et si l’on prend chacun de ses livres individuellement, ils sont sans aucun doute excellents. En effet, le suspense est toujours au rendez-vous, l’intrigue est bien ficelée, et le style agréable. Mais j’avoue m’être lassée de ces histoires mièvres qui finissent toujours en happy end. Ainsi, même dans un roman comme Je reviens te chercher où Ethan, le héros, finit par mourir, Musso laisse entendre que la vie est quand même belle car dans ses dernières minutes, il a eu le temps de concevoir un enfant avec la femme qu’il aime (oui je spoile et je le fais sans état d’âme car cette fin est tout-à-fait ridicule). Aujourd’hui, j’ai donc décidé de mettre mes idées sur cet écrivain par écrit, et, de manière très méthodologique, de répertorier un à un les différents thèmes dont abuse Musso. Tout d’abord, un véritable Musso n’est pas un Musso si le personnage principal n’a pas de problèmes relationnels avec son père, s’il ne vient pas d’un milieu défavorisé dont il est parvenu à se sortir à la sueur de son front et s’il n’a pas une quelconque fêlure qui fait de lui ce qu’il est (plus cliché tu meurs). Ce héros a également deux choix de carrière qui s’offrent à lui : médecin (Elliot dans Seras-tu là ?, Sam dans Sauve-moi, Garret Goodrich dans Et après) ou écrivain (Tom dans la Fille de papier, Raphaël dans la Fille de Brooklyn). Cet écrivain a succès atteint même un sommet avec Arthur, le personnage principal de l’Instant présent, qui est écrivain et médecin dans le métaroman qu’il écrit sur sa vie. Ensuite, un Musso se doit bien évidemment de mettre en scène une histoire d’amour, toujours entre un homme et une femme bien évidemment (pourquoi se mouiller ?). Car comme tout le monde le sait, il est absolument inconcevable d’être heureux si l’on est célibataire. Si c’est le cas, on a forcément un immense vide à combler au fond de son cœur. En troisième lieu, Musso consacre toujours quelques pages (que dis-je, minimum le tiers pour la fille de Brooklyn et Demain, si pas l’intégralité du livre dans les cas de Central Park, L’instant présent et Sauve-moi) à New York. Mais le monde ne tourne pas autour de New York, d’autant plus que selon moi, localiser l’intrigue dans cette ville n’apporte rien. Toutes ces histoires dont il est question pourraient se passer n’importe où dans le monde, alors pourquoi systématiquement à New York ? Je trouve cela fort dommage que cet auteur qui est aujourd’hui l’un des plus lus par la francophonie se cantonne à ce qu’il connaît et n’élargisse pas davantage ses horizons. Enfin, le Musso par excellence, se doit de parler de drogue et de suicide. Il aime également beaucoup les aéroports et les avions en général, au point que cela vire à l’obsession (L’appel de l’ange, Je reviens te chercher, Parce que je t’aime, Sauve-moi, …) Je voudrais soulever un dernier point négatif : pour écrire cet article, j’ai dû faire quelques recherches, surtout pour les noms des personnages, car ces livres s’oublient aussi vite qu’ils se lisent. Certes, ils sont divertissants, mais à présent ce n’est plus vraiment ce que je recherche dans un livre. J’attends d’un livre un minimum d’originalité, que je ne retrouve plus chez cet auteur. Et pour cette raison, je n’ai pas lu ses deux derniers romans, et je ne pense pas les lire pour le moment.
Et pourtant, comme vous avez pu le constater, j’ai lu une certaine quantité de ses livres. Pourquoi perdre mon temps à lire des livres que je n’aime pas, me direz-vous ? Et bien, parce que je les trouve malgré tout agréables à lire, tout comme j’aime regarder une série avec rires préenregistrés en rentrant d’un examen. Je trouve aussi que Musso a des idées originales, mais qu’il gâche malheureusement en les traitant de manière bien trop plate. Ainsi, j’ai trouvé très inventif de sa part d’avoir imaginé ce que pouvait être la vie d’un homme condamné à vivre un jour par an, dans l’Instant présent. De plus, il présente cette situation comme une métaphore, faisant le portrait d’un homme pris au piège par le temps, qui ne voit pas passer sa propre vie. Il ajoute en outre une dimension métalittéraire au récit, qui m’a beaucoup plue. Mais les fins « Alice au pays des merveilles / en fait c’était un rêve », il faut ARRETER ! C’est décevant, frustrant, banal. Ce genre de conclusion se retrouve en effet dans l’Instant présent, mais aussi dans Parce que je t’aime. Pour conclure, je n’ai vraiment rien contre Musso, mais j’aimerais simplement que la presse arrête de parler de lui comme s’il était le nouveau Voltaire, ce sont simplement des livres divertissants, rien de plus. Ainsi, j’en ai assez de voir des critiques affirmer que « cet homme a un don » ou qu’il parvient à construire des « personnages forts » ou des « personnages sublimés à la psychologie plus complexe qu’il n’y paraît ». Je pense que ce genre de littérature doit tout simplement assumer ce qu’elle est, et je trouve vraiment dommage que des auteurs comme Musso fassent de l’ombre à d’autres bien plus talentueux et créatifs. En résumé, les livres de Guillaume Musso sont bons, je n’en disconviens pas, mais à condition de n’en lire qu’un seul, sinon, on se rend bien vite compte que ce ne sont, en définitive, que les variantes d’une même recette. J’ai par ailleurs récemment appris que l’auteur avait décidé de changer de maison d’édition pour « sortir de sa zone de confort ». J’espère qu’il profitera de ce changement pour se renouveler et prendre en compte l’opinion d’une partie de ses lecteurs. En effet, si la presse est dithyrambique, les critiques sur Babelio restent assez mitigées. Elise Certains livres nous marquent, nous font réfléchir et nous poursuivent pendant des années. Et d’autres nous détendent simplement, sans pour autant que cela signifie qu’ils sont mauvais. Simplement, ils n’ont pas été écrits avec les mêmes buts. Aujourd’hui, j’ai décidé de me concentrer sur des livres qui m’ont beaucoup plu, mais que j’ai lu il y a trop longtemps pour en faire un article détaillé. Je tenais néanmoins à leur dédier quelques lignes car ils m’ont réellement touchée. 1. Nulle et Grande Gueule de Joyce Carol OatesRésumé : Ursula et Matt, bien qu’ils fréquentent le même lycée, sont deux personnages extrêmement différents. Elle se sent mal dans sa peau, cherche à tout prix à se cacher et se surnomme elle-même « la Nulle ». Il est populaire, drôle et aime amuser la galerie. Un jour, il fait la blague de trop, dit en plaisantant qu’il va faire exploser une bombe dans le lycée, et voit toute sa vie s’écrouler. En effet, quelqu’un l’a dénoncé à la direction, sortant ses mots de leur contexte. Matt se retrouve alors aux prises avec la police, empêtré dans une situation qui le dépasse. Les témoins sont nombreux, mais personne ne veut être mêlé à l’affaire. Personne, sauf Ursula. J’ai vraiment beaucoup aimé ce livre, principalement parce que j’ai trouvé le personnage d’Ursula très attachant. En effet, elle n’en est absolument pas consciente, mais elle est originale, drôle, cynique, indépendante et surtout très honnête. Elle se bat pour ce qu’elle pense être juste, sans se soucier des qu’en dira-t-on. C’est aussi une très belle histoire d’amour, entre deux personnages insolites, réunis par des circonstances inattendues, qui réalisent qu’ils ont bien plus en commun que ce qu’ils auraient pu croire. Ursula Riggs est cool parce que : 1) Tu te fiches pas mal d’eux. Leurs yeux menteurs et leurs masques souriants. 2) Tu es toi. Tout le monde respecte ça. 2. No et moi de Delphine de ViganRésumé : Lou, 13 ans, surdouée, a sauté plusieurs classes et a donc cours avec des adolescents plus âgés de quelques années. Elle se sent seule, ne parle pas beaucoup, mais pense énormément. Elle aime errer à travers les rues, et surtout à la gare, où elle observe les gens. Elle leur imagine des vies, pense aux départs, aux retrouvailles, et finit par trouver ce lieu très poétique. Un jour, elle rencontre No, une jeune fille sans abri d’une vingtaine d’années. Les deux jeunes filles sympathisent et Lou décide d’héberger No chez elle. Encore une fois, le personnage de Lou est très attachant, mais au-delà de cela, ce livre énonce plusieurs vérités stupéfiantes. Ce roman parle effectivement de différence, d’amitié, des inégalités face à la vie et surtout, dénonce l’indifférence de la société vis-à-vis des sans-abris : On est capable d’envoyer des avions supersoniques et des fusées dans l’espace, d’identifier un criminel à partir d’un cheveu ou d’une minuscule particule de peau, de créer une tomate qui reste trois semaines au réfrigérateur sans prendre une ride, de faire tenir dans une puce microscopique des milliards d’informations. On est capable de laisser mourir des gens dans la rue. Aussi, Delphine de Vigan pose la question de la meilleure manière d’aider quelqu’un en difficulté, puisque même sous un toit, les vieux démons de No la poursuivent. C’est donc un roman très riche et émouvant, qui aborde des sujets qui nous touchent tous. 3. Mange, prie, aime d'Elizabeth GilbertRésumé : Elizabeth, prostrée dans sa salle de bain, réalise une nuit qu’elle n’est pas heureuse et épanouie, comme elle pense qu'elle devrait l'être. Elle quitte alors son mari, à la grande stupéfaction de ce dernier et de ses proches, et obtient de son rédacteur de partir un an à la découverte d’elle-même, dans le cadre de son travail de journaliste. Elle commence par l'Italie, où elle va redécouvrir le plaisir de manger. Elle part ensuite en Inde, où elle médite et prie dans un ashram. Enfin, elle découvre l’Indonésie, où elle tombe amoureuse. Ce qui m’a particulièrement marquée dans ce livre, c’est la vision d’Elisabeth Gilbert de la religion. Elle n’est ni bouddhiste ni catholique, et ne voit pas Dieu comme un vieux monsieur sur un nuage, mais plutôt comme une sorte d’entité immatérielle qui régit l’Univers et en lequel elle a besoin de croire. Ainsi, elle ne suit aucun rite et crée ses propres rituels, sa propre philosophie, ses propres croyances. Le livres est aussi riche en enseignements, puisqu’au fil de son parcours, Elizabeth Gilbert distille quelques informations sur les endroits qu’elle visite, partage ce qu’elle a appris au cours de ses voyages. Ainsi, on en apprend sur l’origine de la langue italienne, sur la pratique de la méditation, mais aussi sur la nature humaine. Je pense que faire un film d’un tel livre n’avait pas beaucoup de sens, car l’écrivain raconte avant tout son voyage intérieur, ce que ne peut retranscrire une caméra. Il n’est certes pas désagréable à regarder, mais le livre m’a bien plus apporté ! Les gens, universellement, ont tendance à penser que le bonheur est un coup de chance, un état qui leur tombera peut-être dessus sans crier gare, comme le beau temps ? Mais le bonheur ne marche pas ainsi, il est la conséquence d’un effort personnel. On se bat, on lutte pour le trouver, on le traque, et même parfois jusqu’au bout du monde. Un homme pauvre va tous les jours à l’église prier devant la statue d’un saint. « Cher saint, le supplie-t-il, s’il te plait, s’il te plait… Accorde-moi la grâce de gagner à la loterie. » Cette supplique se poursuit des mois et des mois. Pour finir, la statue, au comble de l’exaspération, prend vie et, baissant les yeux sur le quémandeur, lui dit, avec dégout et lassitude : « mon fils, s’il te plait, s’il te plait… achète toi un billet ». 4. La solitude des nombres premiers de Paolo GiordanoRésumé : Alice et Mattia ont des passions différentes, des histoires différentes, des problèmes différents, et pourtant ils ont une chose en commun : ils sont autodestructeurs. Alice, passionnée par la photographie, est anorexique. Mattia, féru de mathématiques, depuis la disparition tragique de sa petite sœur handicapée, se sent tellement coupable de vivre qu’il ne peut s’empêcher de se scarifier. Bon. Ce n’est clairement pas un livre très rigolo. Mais il est extrêmement bien écrit et l’auteur parvient à créer un lien si singulier et si fort entre les deux personnages que je ne pouvais pas ne pas le citer. En effet, au fur et à mesure des pages, on ressent la puissance de leurs sentiments, on sait qu’ils pourraient s’entraider, mais il y a une barrière, qu’ils ne parviennent pas à franchir et qui les empêche d’être simplement là l’un pour l’autre. Car ils étaient unis par un fil… qui ne pouvait exister qu’entre deux individus de leur espèce, deux individus qui avaient reconnu leur solitude dans celle de l’autre. Les nombres premiers ne sont divisibles que par un et par eux-mêmes. Ils occupent leur place dans la série infinie des nombres naturels, écrasés comme les autres entre deux semblables, mais à un pas de distance. Ce sont des nombres soupçonneux et solitaires, raison pour laquelle Mattia les trouvait merveilleux. Il lui arrivait de se dire qu’ils figuraient dans cette séquence par erreur, qu’ils y avaient été piégés telles des perles enfilées. Mais il songeait aussi que ces nombres auraient peut-être préféré être comme les autres, juste des nombres quelconques, et qu’ils n’en étaient pas capables. Cette seconde pensée l’effleurait surtout le soir, dans l’entrelacement chaotique d’images qui précèdent le sommeil, quand l’esprit est trop faible pour se raconter des mensonges. J'espère que ce genre d'article un peu plus éparpillé t'as plu, je reviendrai très vite avec un autre du même genre, afin de présenter des lectures moins "prise de tête", idéales pour se détendre à l'approche des vacances!
Elise Résumé : 40 femmes enfermées sans aucune raison apparente dans une cave se retrouvent confrontées à une existence absurde. Parmi elles, une enfant. Elle n’a jamais rien connu d’autre que la cave, et écoute ces femmes parler d’un monde qu’elle ne connaîtra et ne comprendra jamais. Mais un jour, les gardes paniqués prennent la fuite, laissant les portes de la cage ouvertes. Les prisonnières se précipitent alors vers la sortie, pensant retrouver le monde qu’elles avaient laissé derrière elles. Au lieu de quoi, elles découvrent une terre stérile et inhabitée. Elles réalisent bien vite qu’elles n’ont fait que quitter une prison pour une autre. Ce roman n’a pas pour but de divertir ou de faire passer au lecteur un bon moment, mais bien de le questionner. Ainsi, il aborde des questions essentielles et très angoissantes, telles que le sens de la vie. En effet, comment considérer que la vie a un sens quand elle est si solitaire et recluse ? Existe-t-on réellement sans le regard de l’autre ? En effet, à la fin du roman, la narratrice, alors que ses compagnes sont mortes les unes après les autres et qu’elle se retrouve seule au monde, éprouve le besoin d’écrire et se raccroche à l'idée qu’il reste encore quelqu’un d’autre quelque part. Même si elle ne peut ni lui parler ni le voir, cette pensée la réconforte et la maintient en vie.
Jacqueline Harpman met également en avant toute une série de choses qui nous semblent évidentes, mais qui ont manqué à « la petite » (elle n’a jamais reçu de véritable nom). Ainsi, elle est incapable de reconnaître certains objets, ne s’est jamais vue dans un miroir, ne sait pas quel âge elle a et surtout, elle ne sait ni lire ni écrire. En effet, ses compagnes ont jugé inutile de l’instruire, estimant qu’elle n’en aurait pas d'utilité dans cet univers si insensé. Et pourtant, l’héroïne éprouve le besoin d’apprendre, de s’occuper l’esprit, car c’est à ses yeux ce qui la différencie d’une bête. L’auteur aborde ainsi le thème de la nature humaine. Qu’est-ce qui fait qu’une femme, isolée de tous, qui n’a jamais connu la civilisation et qui finit même par ne plus parler reste un être humain ? J’ai également été frappée de voir ces femmes, pourtant assez jeunes et en bonne santé, mourir les unes après les autres de désespoir. Jacqueline Harpman révèle ainsi les limites de notre instinct de survie : sans personne, nous ne sommes rien. J’ai été happée dès les premières pages par la situation mystérieuse de ces femmes, lisant à toute vitesse dans l’espoir de comprendre comment notre monde en était arrivé là. Tout comme le lecteur, les femmes analysent chaque détail, chaque infime aspect de leur vie qui pourrait les mener sur une piste. Et à plusieurs reprises, nous pensons,comme elles, être sur le point de découvrir quelque chose. Pourtant, elles ne comprendront jamais pourquoi elles ont été enfermées, pourquoi elles ont survécu alors que tant d’autres sont morts, où sont partis les gardes et quel est ce monde dans lequel elles continuent de « vivre ». J’ai bien entendu été un peu déçue de ne pas avoir de réponse à mes questions, mais je pense que c’est ce qui fait la force de ce roman : il n’y a ni explication ni dénouement. Cela permet de nous placer dans la même situation d’incompréhension que ces femmes, et de développer tous ces questionnements. Si l’auteur nous avait révélé ce qui s’était réellement passé, ou pire, si cela s’était terminé en happy end, le message du livre serait tout autre, il serait bien moins puissant et interpellant. Je m’arrête là car je pourrais parler de ce livre pendant des heures tant il est riche et différent de tout ce que j’ai pu lire jusqu’à présent. J’ai vraiment hâte de me replonger dans d’autres livres de Jacqueline Harpman (Orlanda me tente assez bien), mais je pense d’abord lire d’autres choses plus légères pour me remettre de toutes ces émotions ! En tout cas, si j’avais adoré Le bonheur dans le crime pour son style, ce livre-ci m’a réellement bouleversée. Elise Résumé: Juste avant de mourir à 73 ans, Rosamund a enregistré 5 cassettes. Elles sont destinées à une lointaine cousine aveugle, Imogen. La vieille femme décrit 20 photos, qui résument sa vie… et les liens qui les unissent. J’ai rarement aussi mal jugé un livre d’après sa couverture : je voulais quelque chose de distrayant, mais sans plus, juste de quoi m’occuper avant de dormir. Résultat, la dernière page m’a laissée, à près de deux heures du matin, les larmes aux yeux. Tout d’abord, la relation de Rosamund et Imogen est complexe, mais l’auteur a parfaitement réussi à décrire leurs liens, sur trois générations. Ensuite, ce livre interroge sur la fatalité. En effet, il raconte l’enfance de Beatrix, maltraitée par sa mère, qui maltraite à son tour sa propre fille, Théa, qui va également maltraiter sa fille, Imogen. Quelle est le destin d’Imogen ? Est-ce qu’elle réussira à rompre ce cycle ? D’ailleurs, quand a commencé ce cycle ? Est-ce à Béatrix ? Ou avant ? Enfin, l’émotion est … intense. Ce n’est pas tellement le suspense, mais surtout la tendresse et l’amour, palpables tout au long du récit. En conclusion, je pense que ce roman mérite d’être lu par le plus grand nombre. Rapha Addenda : Rebecca dans la pluie avant qu’elle tombeChaque personnage mériterait d’être analysé longuement, mais ce n’est malheureusement pas possible. Tout n’est pas dit à propos des personnages secondaires, ce qui laisse ainsi place à l’imagination. Je tiens à partager une théorie sur Rebecca.
Rebecca est le grand amour de Rosamund. Ensemble, elles ont élevé Théa pendant deux ans, mais elles se séparent lorsque l’enfant est reprise par sa mère. Je pense que Rebecca aimait toujours Rosamund, mais qu’elle voulait remplir dans son cœur le vide laissé par Théa en ayant d’autres enfants. Résumé: Camille a un métier qu’elle déteste, une maison qu’elle déteste, un mari et un fils qu’elle… bon ce n’est pas politiquement correct de détester son fils et son mari donc disons simplement qu’ils ont des problèmes relationnels à régler. Mais un jour, elle fait la rencontre de Claude, routinologue, qui lui propose d’expérimenter un programme très particulier… Attirée par ce titre inspirant, je me suis laissée tenter par ce livre un peu particulier écrit par Raphaëlle Giordano, sorti il y a un peu plus d’un an. Il s’agit d’un format assez remarquable, et peu exploité, puisque ce roman prend la forme d’un livre de développement personnel. Je l’avais à la base acheté pour ma sœur (par rapport à son prénom … ne me jugez pas !), mais elle ne l’a pas tellement aimé, j’ai donc voulu me faire mon propre avis, d’autant plus que j’avais assisté à une interview de l’auteur un an auparavant, à la foire du livre de Bruxelles, et que je l’avais trouvée rayonnante !
Et je n’ai pas été déçue ! Certes, je peux comprendre que Raphaëlle (la mienne, pas l’auteur, sinon c’est bizarre) n’ait pas plus aimé que ça, car certains passages sont très clichés (la scène de la montgolfière notamment… je suis la seule à avoir trouvé ce geste fort peu écologique ?) et les personnages sont peu développés. Ainsi, Camille s’apparente davantage à une madame tout le monde et n’a pas énormément de profondeur. Toutefois, je pense que le but de ce livre n’était pas de construire une intrigue exceptionnelle et mémorable, mais plutôt de délivrer certains messages de manière ludique. J’ai trouvé cela très intéressant, moi qui ait énormément de mal à accrocher aux livres de développement personnel (je les trouve assez répétitif et trop « scolaires »). Je m’extasiais donc de cette grande originalité auprès de Raphaëlle, lorsqu’elle me dit que ce genre de romans existait déjà depuis belle lurette. Elle m’en a d’ailleurs recommandé quelques-uns, à voir donc. Malgré tout, je persiste à penser que le message de ce livre est fondamental : le positif attire le positif. Ainsi, Raphaëlle Giordano, par le biais de Camille et son « gourou », nous présente une méthode simple et rigoureuse à appliquer afin de changer notre manière même de penser. J’ai essayé… Et c’est EFFROYABLEMENT difficile. Cela m’a permis de me rendre compte à quel point je ressassais toujours les mêmes choses. Aussi, lorsque quelque chose me contrariait, le reste de ma journée était entièrement centrée sur cet événement. J’essaie à présent de corriger cela, mais n’ayant pas de routinologue à mes côtés, le chemin s’annonce semé d’embuches ! Quoi qu’il en soit, ce livre est riches en enseignements et très agréable à lire. Je pense qu’à l’avenir, j’essaierai de me tourner vers d’autres livres de ce genre, et que je lirai également « Le jour où les lions mangeront de la salade verte » du même auteur. Elise |
AuteursRaphaëlle, 17 ans, grande lectrice, du classique à la science-fiction. Archives
Juin 2019
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