Résumé : Elie, à la tête d’un cabinet d’ethnopsychiatrie, voit son âge avancer et ses responsabilités professionnelles diminuer. Un jour, une jeune femme tzigane d’une vingtaine d’années débarque au cabinet avec un enfant, plongé dans un profond mutisme. Sur le point de mourir, elle confie son fils à Elie, qui lui semble digne de confiance. Ce dernier réalise bien vite qu’Elie est tout sauf un enfant ordinaire… Tobie Nathan, ethnopsychiatre d’origine égyptienne, signe avec l’Evangile selon Youri son treizième roman, un chiffre qui, à supposer que l’homme soit aussi superstitieux que son personnage, a dû lui causer nombre d’angoisses. En effet, le héros et narrateur de cette histoire présente de nombreuses similitudes avec cet auteur et psychanalyste renommé, à commencer par sa profession.
De manière globale, je dirais que ce roman n’est pas mauvais. Le vocabulaire est abordable, sans pour autant que le style soit négligé. L’écriture est en effet recherchée, et empreinte d’une poésie toute particulière, qui donne de l’authenticité, et je dirais même du coffre à ce roman. Malheureusement le style est bien trop soigné dans les dialogues et sonnent faux. J’ai également relevé une phrase qui me chiffonne : « C’était la charcutière de la rue Mouffetard qui n’en pouvait mais des boules qui apparaissent sur son corps ». Une faute de frappe certainement, mais pour un livre des éditions Stock, je ne comprends pas que la correction ne soit pas plus rigoureuse. En ce qui concerne l’histoire en elle-même, au départ, l'intrigue part dans tous les sens, si bien que j'avais du mal à comprendre où voulait en venir l'auteur. Mais bien vite, il rectifie le tir, et je dois bien admettre que je ne me suis pas ennuyée. Les événements s’enchaînent bien, et les thèmes abordés sont passionnants. Ainsi, il est question de notre monde, impie, peuplé d’hommes et de femmes perdus dans la masse, sans aucun repères. Dans ce monde, personne ne croit, personne ne parle, et tout doit nécessairement être expliqué rationnellement. Les autorités ne laissent de ce fait plus la place aux miracles, à la magie, ou encore à la foi. C’est alors qu’intervient Youri, dieu moderne capable des cataclysmes les plus désastreux comme des guérisons les plus soudaines. Outre la religion, l’auteur s’intéresse à l’immigration, à la politique, au terrorisme, aux cultures étrangères. C’est donc un roman qui nous fait réfléchir à toutes sortes de sujets, écrit avec beaucoup d’intelligence. Toutefois, un élément m’a empêchée de pleinement profiter de ma lecture : le personnage principal. Imbu de sa personne, il est le stéréotype même du vieux beau, profitant honteusement du complexe d’Œdipe non résolu de jeunes femmes incestueuses. La première, dévastée, vient de perdre son père, la seconde a vécu en couple avec son paternel pendant vingt ans, et est par ailleurs sa patiente. J’ai aussi trouvé que pour un ethnopsychologue, il ne semblait pas très qualifié. Ainsi, lorsqu’il s’entretient avec la grand-mère de Redha ou Mirrha, il met souvent les pieds dans le plat et doit se faire expliquer toutes les coutumes tziganes par la traductrice. Malgré son ignorance, il rappelle fréquemment qu’il est une pointure dans son domaine, bien supérieur à ces pauvres manants qui se font payer leurs services. A cela s’ajoute un comportement assez irresponsable vis-à-vis de Youri, libre de se promener seul dans Paris à l’âge avancé de huit ans, mais nous mettrons cela sur le compte de la maturité de l’enfant. En somme, ce personnage m’a semblé si condescendant que je ne suis pas parvenue à m’y attacher. Je n’ai donc pas été touchée par cette histoire, ni par aucun des personnages mis en scène d’ailleurs, mais j’ai aimé réfléchir à ces différents sujets. Une lecture en demi-teinte, donc. Elise
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Résumé: En 1152, Aliénor d'Aquitaine décide de mettre fin à son mariage avec Louis VII, roi de France, pour épouser Henri Plantagenêt, roi d'Angleterre. Mais son bonheur d'avoir trouvé un adversaire à sa mesure disparaît bien vite lorsqu'elle réalise que, bien loin de lui offrir le pouvoir et la liberté qu'elle escomptait, a l'intention de conquérir son Aquitaine. La reine s'allie donc à ses fils, Richard, Henri et Geoffroy, afin de mener sa révolte. A mi-chemin entre le roman et le récit historique, ce livre nous conte l’histoire d’Aliénor d’Aquitaine, à travers les yeux de son fils, Richard Cœur de Lion. Il décrit sa mère, leur relation, mais aussi un climat familial bien particulier, ainsi qu’une époque tout-à-fait singulière, qui me fascine autant qu’elle me révulse (ou me dérange, pour paraphraser Mozart l’opéra rock).
Je n'avais jamais lu de roman historique jusqu'à présent, et je ne suis pas déçue de l'expérience. J’ai globalement apprécié ma lecture, mais je ne saurais dire qu’elle m’a réellement marquée. En effet, cette époque reste fort éloignée de notre quotidien, aussi inaccessible que le mystérieux personnage d’Aliénor. Il est donc très difficile de s’y identifier, de se sentir concerné par les problématiques qu’elle met en avant. Aussi, si vous n’êtes de base, pas intéressé par l’histoire médiévale, je ne pense pas que ce livre pourra vous plaire. De nombreux passages en effets sont consacrés au récit des batailles des frères Plantagenêt contre leur père, et même en étant intéressée par l’histoire de France, je dois bien avouer que j’ai trouvé ces pages longues à lire. Mis à part cela, le style est, de mon point de vue, agréable à lire, mais sans être exceptionnel. Il est par ailleurs quelquefois alambiqué, c’est-à-dire que certaines phrases ne sont pas directement intelligibles. Plusieurs fois, j’ai du relire une seconde fois une phrase pour comprendre les rapports entre ses différents éléments. Cela révèle un certain travail de l’auteur, et ce genre d’écriture plaira surement à certains, mais pour ma part, je préfère les mots bien agencés, qui donnent l’impression de ne pas avoir été travaillés. Concernant l’histoire en tant que telle, et en faisant abstraction des récits de batailles ou de partages de terres qui m’ont ennuyée, j’ai éprouvé un réel plaisir à me plonger dans le quotidien de ces personnages. Mais ce qui m’a le plus plu dans ma lecture, c’est qu’elle m’a donné l’occasion d’en apprendre plus sur cette famille, et sur l’histoire d’une femme fascinante. Je trouve la démarche de mélanger fiction et réalité très intéressante, elle permet d’apprendre sur notre histoire de manière ludique. D’ailleurs, l’auteur le dit elle-même dans sa postface, la démarche du romancier et celle de l’historien ne doivent pas s’opposer, mais se compléter. Je suis tout-à-fait d’accord et je pense que tous les romans historiques doivent aller en ce sens. J’ai beaucoup plus de facilité à retenir des faits lorsqu’ils sont mis en scène dans une fiction, alors que je n’imaginerais pas de lire un livre d’histoire pur et dur pour le plaisir ! Enfin, le fait de donner à ces personnages un caractère et une véritable personnalité permet de donner corps à Aliénor, Richard, Henry et toute sa clique. Je me suis en effet souvent fait la réflexion que les personnages historiques, bien qu’ils aient réellement existé, demeuraient toujours, à nos yeux, très inconsistants. C’est donc satisfaite des enseignements que j’ai reçus que j’ai refermé ce livre, avec une petite pointe de regret néanmoins, car bien que la psychologie d’Aliénor, du Plantagénêt et de son fils soit très bien développée, Richard Cœur de Lion tue, viole et massacre sans aucun scrupule, apparaissant comme un personnage tout-à-fait inhumain, auquel il est difficile de s’attacher. Or, j’aurais aimé que l’auteur insiste sur les mœurs particulières de l’époque, l’éducation dans laquelle ont baigné tous ces gens, qui pourrait expliquer leur mentalité et leur esprit guerrier, en abordant des thèmes tels que la religion, le pouvoir et l’amour de la patrie. En d’autres termes, ce roman reste très factuel, et je pense que quelques excursus au sujet de la culture médiévale n’auraient pas été inintéressants, quitte à ce que le livre soit un peu plus long. Mais cette lecture m’a donné envie de me plonger davantage dans des fictions historiques, un genre que j’ai jusqu’à présent négligé ! Elise Résumé : Marie a un travail, un mari, une famille, un appartement à Paris. Mais tout bascule le jour où son patron, sous prétexte de la ramener chez elle, l’entraîne dans un parking sous-terrain et la viole. A partir de là, les jours s’enchainent mais n’ont plus aucun sens. Le temps passe mais n’a plus vraiment d’importance. Et malgré tout, il faut vivre, faire comme si rien de tout cela n’était arrivé, faire comme si. Ecrire sur le viol. Telle est la lourde tâche que s’est assignée Inès Bayard en décidant d’écrire « Les malheurs du bas », récit d’une femme abusée et de sa descente au enfers. L’initiative a du bon, surtout par les temps qui courent, alors que la parole se libère tout doucement. Mais ce sujet pénible, douloureux, terrible se doit d’être traité avec beaucoup de sensibilité et de finesse. Je ne dirais pas avec des pincettes, car je ne pense pas qu’il faille censurer. Ce n’est pas le problème. Le problème de ce livre, c’est ce qu’il fait dire aux femmes : « Personne ne va vous comprendre », « C’est vous qu’on tiendra pour responsable », « Il faut se taire ». Effectivement, les réactions des proches de Marie sont absolument invraisemblables, surtout celle de la sœur, Roxane, qui, alors qu’elle vient d’apprendre que sa sœur a été violée, ressent de la compassion à l’égard de Laurent, son mari. Et en faisant de Marie le personnage le plus banal possible, Inès Bayard semble vouloir faire de son cas une généralité, comme si toutes les femmes violées allaient se heurter aux mêmes pensées, aux mêmes problèmes. Je pense que c’est cet aspect qui m’a le plus dérangée dans ce roman, mais cela ne s’arrête malheureusement pas là. Je suis pourtant consciente que ce livre a été écrit avec de bonnes intentions. A travers les pages, on perçoit certains messages féministes tout-à-fait véridiques, mais le fait qu’ils soient envisagés uniquement à travers le prisme du viol pose problème. Car la vie de Marie avant son agression n’avait rien d’enviable : elle était soumise sans même s’en rendre compte, servant inlassablement son époux, dénuée de toute personnalité. Et pourtant, elle était parfaitement heureuse ainsi. Or, un femme, même si elle se fait violée, a le droit d’avoir une personnalité, des traits de caractère et continue de rester une personne a part entière. Cet événement ne la définit pas. Tandis que le viol de Marie est l’événement déclencheur qui lui permet de réaliser que nombre d’éléments de sa vie témoignent de sa soumission : son mari la force à allaiter, elle ne peut se refuser à lui sans susciter les questions, voire l’énervement, elle se voit même imposer le meilleur ami de Laurent comme gynécologue. Si le viol n’avait pas eu lieu, elle n’aurait jamais réalisé toutes ces choses. Elle aurait continué de mener une vie qui, personnellement, me donne envie de vomir. Ainsi, le livre donne parfois l’impression que son viol l’a rendue plus intéressante, lui a permis d’ouvrir les yeux sur sa sujétion. Je trouve vraiment horrible d’avoir à dire une telle chose. J’imagine, et je suis même certaine, que ce n’était pas le message initial de l’auteur, mais c’est ainsi que je l’ai ressenti. A cela s’ajoute un passage extrêmement troublant qui semble faire l’apologie du viol. Je vous laisse juger : Peut-être a-t-elle-même éprouvé une forme de compassion pour son violeur qui assumait la violence de l’acte sexuel et acceptait de pratiquer délibérément sur des femmes innocentes, refusant aussi de se laisser piéger par la routine que son mariage lui imposait. […] Marie regrette parfois de ne pas avoir pu être en communion avec cet homme, de ne pas avoir ressenti le plaisir approprié à cet assemblage de corps souffrants, […] Et je suis désolée mais non. A partir du moment où Marie représente l’intégralité des femmes violées, comme cela semble suggéré et qui pose déjà problème en soi, lui attribuer ce genre de pensées n’est pas acceptable. On ne peut pas caser un « pauvre violeur » vite fait dans son texte sans développer davantage, comme si c’était normal. Je ne peux pas.
Outre le sujet qui, pour moi, est traité de façon très maladroite, de point de vue de la psychologie des personnages, c’est là encore, un désastre total. Marie, comme dit précédemment, est affligeante de banalité, il est donc par conséquent très difficile de s’identifier à elle. Quant à son Laurent, il est tout simplement hérissant : son comportement, sa manière de parler, sa confiance en lui m’ont énervée. Enfin, en ce qui concerne la famille de Marie, elle est tout aussi inintéressante. Tout le monde est rangé dans une petite case et n’en sort sous aucun prétexte. Personne n’a de véritable intériorité, de caractère ou d’évolution intéressante. Cela m’a beaucoup déçue car les premières pages laissaient entrevoir le récit d’un parcours psychologique intéressant, celui de Marie. J’espérais ainsi assister avec stupeur à la chute de cette femme, comprendre ce qu’elle avait traversé, comment elle en était venue à sacrifier tout ce pour quoi elle s’était battue, et être, par la même occasion, moi-même bouleversée. Au lieu de cela, je me suis retrouvée à suivre des personnages sans profondeur, auxquels je ne suis pas parvenue à m’attacher. Même l’assassinat du bébé ne m’a fait ni chaud ni froid, tout simplement parce que je sais qu’il n’existe pas, et pourtant je vous assure que je ne suis pas une psychopathe. Les personnages ne sont pas parvenus à prendre vie sur le papier, demeurant irrémédiablement inconsistants. Je m’arrête là, je deviens méchante. Je conclus simplement en m’étonnant de ce que je n’ai trouvé aucune critique négative sur ce livre, qui semble faire l’unanimité, décrit comme « à mettre entre toutes les mains ». J’avoue que c’est assez bien écrit, l’auteur a un certain potentiel, mais je pense qu’elle devrait mieux travailler ses personnages et penser à intégrer moins de clichés dans sa narration. Ce n’est pas à brûler, donc, mais le bûcher n’est pas loin. Elise |
AuteursRaphaëlle, 17 ans, grande lectrice, du classique à la science-fiction. Archives
Juin 2019
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