Résumé : Anthony, Stéphanie et Hacine vivent tous trois à Heillange, dans la France profonde. Pendant six ans, leurs destins se croisent et se décroisent. Chacun de leur côté, ils grandissent et évoluent, avec un commun espoir : celui de quitter la vallée. Suite à l’annonce du prix Goncourt 2018, intriguée par cette verdoyante couverture, j’ai entamé la lecture de Leurs enfants après eux, ou le roman que je n’aurais jamais cru pouvoir aimer. L’intrigue tourne en effet principalement autour d’un vol de moto, un sujet a priori qui ne me correspond absolument pas. Et pourtant, au fil des pages, mon scepticisme s’est envolé et je me suis laissée séduire, envoutée par cette atmosphère toute particulière que l’auteur parvient à mettre en place. Je pense d’ailleurs que c’est ce qui m’a le plus plu dans ce livre : cette ambiance mélancolique, lourde et oppressante. Les personnages sont comme enfermés dans leur vie, condamnés à reproduire les destins médiocres qui furent ceux de leurs parents. A cela s’ajoute une atmosphère presque irréelle, due au fait que les protagonistes sont plus ou moins défoncés en permanence. J’ai aussi beaucoup aimé l’aspect « géographique » du récit. Les événements sont situés dans un espace bien précis, lequel apparaît comme l’unique constante du roman, tandis que les personnages changent d’année en année. Chaque endroit de la vallée est attachée à des souvenirs, ce qui accentue encore les sentiments de nostalgie et de regret, omniprésents. Aussi, la narration se focalise alternativement sur différents personnages, ce qui permet de comprendre la psychologie de chacun d’entre eux. Le personnage principal reste bien évidemment Anthony, mais l’auteur a également pris la peine de dresser un portrait à la fois concis et détaillé de Stéphanie, Vanessa, Hacine, le père, la mère, et bien d’autres. J’avais pourtant quelques réticences en commençant ce roman, car j’avais l’impression que l’auteur se forçait « à parler jeune », perdant ainsi de sa spontanéité. Mais au fil des pages, Nicolas Matthieu semble trouver son ton, lequel sonne incroyablement juste. Et c’est sans doute pour cela que ce roman m’a autant plu : parce que je ne m’y attendais pas. Ce fut une véritable surprise, un coup de cœur - un coup de foudre même! - que je recommanderais à n’importe qui. Car, outre toutes les raisons que j’ai évoquées ci-dessus, il a ce je-ne-sais-quoi qui fait qu’il m’a touchée, émue, bouleversée. Elise Rien qu'à la regarder, Anthony se sentait mal. Ces femmes qui, d'une génération l'autre, finissaient toutes effondrées et à moitié boniches, à ne rien faire qu'assurer la persistance d'une progéniture vouée aux mêmes joies, aux mêmes maux, tout cela lui collait un bourdon phénoménal. Dans cette obstination sourde, il devinait le sort de sa classe. Pire, la loi de l'espèce, perpétuée à travers les corps inconscients de ces femmes aux fourneaux, leurs hanches larges, leurs ventres pleins. Anthony détestait la famille. Elle ne promettait rien qu'un enfer de reconduction sans but ni fin. Lui ferait des voyages et des miracles. Il s'autoriserait des choses ; il ne savait pas quoi au juste.
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AuteursRaphaëlle, 17 ans, grande lectrice, du classique à la science-fiction. Archives
Juin 2019
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