Résumé : Londres, 1979. Candice, actrice d’une vingtaine d’années, enchaîne les répétitions et les cours de théâtre. Jones, quelques années de plus, musicien à ses heures, vient de perdre son emploi. Elle est pleine de rêves, il semble avoir renoncé. Au beau milieu des grèves et des manifestations, ils continuent de mener leur vie comme si de rien n’était. Thomas Reverdy, écrivain confirmé puisqu’il est déjà l’auteur de huit romans, nous livre un roman assez déconcertant, alternant envolées lyriques autour du personnage de Candice et réflexions politiques, si bien que je ne sais que penser. En effet, alors qu’habituellement j’ai un avis général concernant les ouvrages que je lis, dans ce cas-ci, certains passages m’ont transportée et émue, tandis que d’autres m’ont franchement ennuyée. Une lecture en demi-teinte donc, que je vais m’efforcer de décoder. Je ne dirais pas que cette alternance est inintéressante, l’idée est bonne et devrait théoriquement permettre de planter le décor, afin de décrire un destin individuel au milieu du chaos. Mais l’auteur, à force de détails, m’a davantage donné l’impression de regarder un journal télévisé que de lire un roman. En outre, d’un point de vue purement subjectif, j’ai beaucoup de mal à m’intéresser à l’économie, et encore davantage à la comprendre. Les passages sur la politique internationale m’ont définitivement perdue, et je dois bien avouer que j’ai sauté quelques paragraphes lorsque l’auteur s’est lancé, dans les dernières pages, dans une longue description de A à Z de la titulature de Margaret Thatcher (littéralement, c’est-à-dire qu’il choisit un mot représentatif pour A, B,C, etc. et donne ensuite une petite explication quant à son choix). Aussi, j’ai déploré le manque d’action dans ce livre. L’histoire se déroule de manière très lente, et je ne suis même pas vraiment certaine qu’il y en ait une. Elle peut d’ailleurs facilement être résumée en une phrase : « Candice rencontre-Jones, elle le croise deux fois par hasard et puis il s’en va. » Cela, cumulé à de longs discours politiques, concourt à rendre la lecture un tantinet ennuyeuse. Néanmoins, mis à part ces quelques chapitres pompeux, l’écriture est absolument sublime. Les passages autour de Candice sont très beaux, et tirés de leurs contextes, donneraient très envie de lire ce roman. Il y est question de solitude, de non-dits, de jeunes perdus dans une société chaotique et surtout de pouvoir. J’ai beaucoup aimé la manière d’aborder ce sujet du pouvoir, à travers le personnage de Richard III, dont le règne est utilisé comme une analogie à ce fameux hiver de 1979. Pour lui, le pouvoir est une comédie. En réalité, Richard III se fiche d’avoir le pouvoir, il cherche plutôt à faire la démonstration de ses talents de manipulateur. Il ne veut pas être le plus fort, mais montrer qu’il l’est. Car il n’existe pas de véritable pouvoir sans quelqu’un sur qui l’exercer, sans les autres. Ainsi, les jeunes actrices ont pris le parti de présenter Richard davantage comme un bouffon que comme un tyran, faisant tourner en bourrique les autres protagonistes d’une part, mais également le public d’autre part. Elle fait aussi une très belle comparaison avec l’agression qu’elle a subie, mettant en évidence ce besoin des hommes de montrer leur pouvoir sur les femmes. Mais là encore, ce n’est qu’une comédie, car « les garçons jouent », tandis que les filles, depuis la nuit des temps, subissent des rôles relevant davantage de la tragédie. Et de même, l’amour n’est qu’une comédie, affirmation appuyée par une comparaison avec les comédies grecques et romaines. Dans celles-ci, la même histoire se répète inlassablement : un léno détient entre ses mains le sort d’une belle jeune fille, dont un jeune homme tombe éperdument amoureux ; malheureusement il n’a pas les moyens de la libérer et doit ruser avec son esclave pour trouver la somme nécessaire, si bien qu’il en devient grotesque. Dans les romans, l’amour est présenté différemment, comme un sentiment inévitable, source de malheur. Ces comédies antiques s’adressaient essentiellement aux hommes, tandis que les rares romans que l’on a conservé de nos Anciens étaient destinés aux femmes. Ces parallèles improbables m’ont totalement séduite si bien que, malgré ce que j’ai dit précédemment, je ne regrette pas ma lecture, puisqu’elle m’a donné l’occasion de réfléchir. Or, c’est exactement ce que je recherche dans un livre. Enfin, j’aimerais souligner la capacité de Thomas Reverdy à se glisser dans la peau d’une femme, si bien que j’en suis venue à oublier que le roman avait été écrit par un homme. Ce n’est pas quelque chose d’évident, certains auteurs ont tendance à caricaturer le caractère de la femme, la présentant comme hystérique ou irréfléchie. En définitive, je suis donc assez satisfaite de ma lecture, et je me tournerai sans doute à nouveau vers ce livre pour en relire certains passages. Elise Elle venait d’avoir vingt ans. C’est un âge où la vie ne s’est pas encore réalisée. Où tout n’est encore que promesses – ou menaces. Une époque troublée, où les gens ont commencé à ne plus croire ce que leur racontait leur gouvernement. Avec le chômage, tout était soudain cassé, les carrières, les plans de retraite, même les identités. C'est fou le nombre de gens qui se présentent en disant ce qu'ils font. Et s'ils n'ont plus de travail, il faut pourtant bien qu'ils soient encore des gens.
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AuteursRaphaëlle, 17 ans, grande lectrice, du classique à la science-fiction. Archives
Juin 2019
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