Résumé : 40 femmes enfermées sans aucune raison apparente dans une cave se retrouvent confrontées à une existence absurde. Parmi elles, une enfant. Elle n’a jamais rien connu d’autre que la cave, et écoute ces femmes parler d’un monde qu’elle ne connaîtra et ne comprendra jamais. Mais un jour, les gardes paniqués prennent la fuite, laissant les portes de la cage ouvertes. Les prisonnières se précipitent alors vers la sortie, pensant retrouver le monde qu’elles avaient laissé derrière elles. Au lieu de quoi, elles découvrent une terre stérile et inhabitée. Elles réalisent bien vite qu’elles n’ont fait que quitter une prison pour une autre. Ce roman n’a pas pour but de divertir ou de faire passer au lecteur un bon moment, mais bien de le questionner. Ainsi, il aborde des questions essentielles et très angoissantes, telles que le sens de la vie. En effet, comment considérer que la vie a un sens quand elle est si solitaire et recluse ? Existe-t-on réellement sans le regard de l’autre ? En effet, à la fin du roman, la narratrice, alors que ses compagnes sont mortes les unes après les autres et qu’elle se retrouve seule au monde, éprouve le besoin d’écrire et se raccroche à l'idée qu’il reste encore quelqu’un d’autre quelque part. Même si elle ne peut ni lui parler ni le voir, cette pensée la réconforte et la maintient en vie.
Jacqueline Harpman met également en avant toute une série de choses qui nous semblent évidentes, mais qui ont manqué à « la petite » (elle n’a jamais reçu de véritable nom). Ainsi, elle est incapable de reconnaître certains objets, ne s’est jamais vue dans un miroir, ne sait pas quel âge elle a et surtout, elle ne sait ni lire ni écrire. En effet, ses compagnes ont jugé inutile de l’instruire, estimant qu’elle n’en aurait pas d'utilité dans cet univers si insensé. Et pourtant, l’héroïne éprouve le besoin d’apprendre, de s’occuper l’esprit, car c’est à ses yeux ce qui la différencie d’une bête. L’auteur aborde ainsi le thème de la nature humaine. Qu’est-ce qui fait qu’une femme, isolée de tous, qui n’a jamais connu la civilisation et qui finit même par ne plus parler reste un être humain ? J’ai également été frappée de voir ces femmes, pourtant assez jeunes et en bonne santé, mourir les unes après les autres de désespoir. Jacqueline Harpman révèle ainsi les limites de notre instinct de survie : sans personne, nous ne sommes rien. J’ai été happée dès les premières pages par la situation mystérieuse de ces femmes, lisant à toute vitesse dans l’espoir de comprendre comment notre monde en était arrivé là. Tout comme le lecteur, les femmes analysent chaque détail, chaque infime aspect de leur vie qui pourrait les mener sur une piste. Et à plusieurs reprises, nous pensons,comme elles, être sur le point de découvrir quelque chose. Pourtant, elles ne comprendront jamais pourquoi elles ont été enfermées, pourquoi elles ont survécu alors que tant d’autres sont morts, où sont partis les gardes et quel est ce monde dans lequel elles continuent de « vivre ». J’ai bien entendu été un peu déçue de ne pas avoir de réponse à mes questions, mais je pense que c’est ce qui fait la force de ce roman : il n’y a ni explication ni dénouement. Cela permet de nous placer dans la même situation d’incompréhension que ces femmes, et de développer tous ces questionnements. Si l’auteur nous avait révélé ce qui s’était réellement passé, ou pire, si cela s’était terminé en happy end, le message du livre serait tout autre, il serait bien moins puissant et interpellant. Je m’arrête là car je pourrais parler de ce livre pendant des heures tant il est riche et différent de tout ce que j’ai pu lire jusqu’à présent. J’ai vraiment hâte de me replonger dans d’autres livres de Jacqueline Harpman (Orlanda me tente assez bien), mais je pense d’abord lire d’autres choses plus légères pour me remettre de toutes ces émotions ! En tout cas, si j’avais adoré Le bonheur dans le crime pour son style, ce livre-ci m’a réellement bouleversée. Elise
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AuteursRaphaëlle, 17 ans, grande lectrice, du classique à la science-fiction. Archives
Juin 2019
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