Résumé : Delphine, cinquante ans, décide de prendre des vacances en Toscane afin de faire le bilan sur sa vie et sur la personne qu’elle est devenue. A son retour, elle apprend qu’elle est atteinte d’un cancer du poumon inopérable. Il ne lui reste alors plus que quelques mois pour assimiler la nouvelle, l’apprendre à son entourage, et se préparer pour « ce chemin qu’on ne parcourt qu’une seule fois ». Tout-à-fait consciente qu’il ne s’agissait en rien d’une lecture divertissante propre à la saison estivale, mais plutôt d’un livre lourd et difficile, j’ai néanmoins décidé de me tourner vers ce roman de Jacqueline Harpam, Récit de la dernière année. J’avais envie de retrouver l’écriture élégante et si particulière de cet écrivain belge, dont je vante les mérites à chacune de mes critiques. Par ailleurs, j’ai toujours été le genre de personne qui se pose mille et une questions sur la vie, la mort et le sens de tout cela. Le sujet me semblait de ce fait intéressant. Ce livre a donc parfaitement répondu à mes attentes, puisque l’écriture est impeccable et la thématique bouleversante En effet, la mort n’est pas un sujet facile à aborder. Il en est souvent question autour de nous, que ce soit en réalité ou en fiction, mais il est rare que quelqu’un se risque à approfondir un tel sujet dont personne n’a réellement envie d’entendre parler. Pourtant, comme le dit si bien la quatrième couverture, cette histoire, construite comme une messe mortuaire, n’a rien de morbide. Elle ne s’apparente pas non plus à une plainte et n’emprunte rien au registre du pathétique. Au contraire, il s’agit d’une ode à la vie, décrivant la force et la hargne du corps à vivre et à être humain jusqu’au bout. Ainsi, alors qu’il ne reste que quelques mois à Delphine, elle réalise avec stupeur qu’elle peut encore dormir, s’ennuyer, aimer de nouvelles personnes et parler de tout et de rien. J’ai aussi trouvé très touchante la relation qui unit Delphine, Mathilde et Pauline, trois générations de femmes unies par le sang. Après le premier choc suite à l’annonce de la maladie, elles parviennent à trouver un équilibre, à mettre en place des habitudes et des conventions leur permettant de continuer à vivre malgré la folie et l’invraissemblabilité de la vie. De jour en jour, elles apprennent l’une de l’autre, jouent à s’inventer des vies et à remonter le temps. Il n’est donc pas uniquement question de maladie et de mort dans ce roman, mais également des femmes et de la transmission des générations. Par ailleurs, et bien que je m’étais promise de ne pas faire de redites par rapport à mes précédents articles, j’ai aimé le fait que Jacqueline Harpman, comme dans Le bonheur dans le crime et dans Orlanda, ne soit pas totalement exclue de la narration. Ici, il arrive même que Jacqueline et Delphine se confondent, que les sentiments de l’une répondent aux sentiments de l’autre. Le personnage créé par l’auteur prend alors des allures d’exutoire, permettant à l’auteur de comprendre ce qu’elle-même traverse et ressent. Mais ce qui m’a sans doute le plus plu, ce sont les références au quotidien, à ces réflexions qui nous passent tous un jour par la tête et dans lesquelles il est facile de se reconnaître. Qui n’a pas déjà pris conscience avec horreur de son caractère éphémère ? Qui ne s’est pas un jour étonné d’être si impatient quand le temps nous est compté ? Qui n’a pas un jour été stupéfait (voire indigné) de voir ses souvenirs se désagréger ? Qui n’a pas souhaité se rappeler un jour d’un moment tout à fait banal, simplement pour se donner l’illusion de contrôler le temps ? A nouveau, comme elle l’avait fait dans Moi qui n’ai pas connu les hommes, par l’intermédiaire d’une histoire qui ne nous concerne pas directement, Harpman nous renvoie à nos propres interrogations et nous fait prendre conscience de l’étrangeté de notre existence. Le livre pose également la question de notre rapport à la mort et de la manière dont il a changé par rapport aux siècles précédents. Ainsi, l’auteur avance l’idée qu’une mort imprévisible ou supposée (dans le cas du marin qui ne revient jamais auprès de son épouse) est plus facile a accepter. Aujourd’hui, la médecine est capable de comprendre, de prévoir et de prévenir, et dans les cas où il n’y a plus rien à faire, Delphine se demande si c’est réellement une bonne chose. Je trouve cette remarque très intéressante, on peut même se demander pourquoi l’homme éprouve ce besoin de savoir, quand l’ignorance peut être si reposante. Je recommande bien évidemment ce livre à tous, à condition d’avoir le moral bien accroché. Effectivement, malgré tout ce que j’ai pu dire, Récit de la dernière année reste une lecture très difficile et qui n’a rien de joyeux. A lire avec modération, donc. Elise Nous allons errant, musardant, pressés ou distraits, ne regardant jamais la vieille femme en noir qui est accroupie à l'horizon, mais elle ne nous quitte pas des yeux. Soudain, la voilà si proche que nous ne pouvons plus l'ignorer. Nous tentons de ralentir le pas,et, terrifiés, nous découvrons que nous ne sommes pas maîtres du temps, il nous pousse par derrière, nous trébuchons, haletants, désespérés, nous cherchons quelque appui, il faut se raccrocher, mais déjà la vague est sur nous et nous emporte hurlant vers le silence.
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AuteursRaphaëlle, 17 ans, grande lectrice, du classique à la science-fiction. Archives
Juin 2019
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