Résumé des épisodes précédents : Lou mène une vie ordinaire auprès de ses parents à Stortfold lorsqu’elle perd du jour au lendemain son emploi de barmaid. Elle est alors engagée en tant qu’aide-soignante de Will Trainor, tétraplégique dont elle tombe amoureuse. Il décide néanmoins de se faire euthanasier, ne supportant pas d’être ainsi diminué. Lou lui promet de vivre avec audace et part à Londres, où elle redevient barmaid et rencontre Sam, un bel ambulancier, ainsi que Lili, la fille de Will. Elle se voit ensuite proposer un poste d’assistante à New York où elle commence à travailler pour Agnès, épouse de Monsieur Gopnik, un milliardaire fortuné... Ayant lu les deux premiers tomes de la trilogie, je me devais de terminer la saga et de lire Après tout, le dernier roman de Jojo Moyes. J’avoue également avoir été attirée (voire intriguée) par la stratégie de promotion de ce livre, décrit comme « feel good ». Effectivement, récemment, sont apparus toute une série de livre visant au bien-être et au développement personnel sur la scène littéraire, ce que je ne peux qu’approuver. Toutefois, dans le cas d’une trilogie dont le thème initial était l’euthanasie, j’ai trouvé cela plutôt étonnant. J’ai alors pensé que c’était un tour de maître incroyable que de parvenir à tirer de cette histoire un livre si positif. J’avais donc hâte de lire ce livre et de découvrir comment l’auteur était parvenue à transformer cette histoire au point qu’elle puisse être qualifiée de « feel good ». Malheureusement, cette appellation n’était visiblement qu’une stratégie commerciale. En effet, si le second et le troisième tome sont certes plus légers que le premier, qui abordait un sujet très sensible, ce troisième tome ne m’a absolument pas fait me sentir « good ». Il y est en effet question de mort, de deuil, de relations à distance et de ruptures. Ce sont certes des sujets qui font partie de la vie, et, ne vous méprenez pas, je ne vois aucun problème à ce qu’ils soient abordés dans un livre, mais je déteste qu’on me présente un livre comme ce qu’il n’est pas. Du reste, si je fais obstruction de cette communication douteuse, point de vue contenu, j’ai passé un agréable moment et ne regrette aucunement d’avoir lu ce livre. L’auteur y développe une galerie de personnages très attachants et atypiques, ce qui m’a énormément plu. J’ai ainsi beaucoup aimé retrouver Lou, ses tenues fantasques et son adorable famille. J’ai aussi trouvé très intéressants les nouveaux personnages, dont Madame De Witt, une vieille dame aux allures grincheux qui se révèle avoir un cœur d’or. Je trouve par ailleurs les thèmes abordés intéressants. Effectivement, cela peut sembler très ordinaire à dire mais je pense qu’on ne le rappelle jamais assez: l’argent ne fait pas le bonheur et les apparences sont bien souvent trompeuses. Ces deux dictons vieux comme le monde se confirment ici par l’intermédiaire des Gopnik, famille richissime mais dysfonctionnelle. Malheureusement, du point de vue du style, je le trouve fort simpliste. Les mots ne recèlent aucune poésie, et ne servent bien souvent qu’à à décrire les actions des personnages et les situations dans lesquelles ils se retrouvent. Peut-être est-ce dû à la traduction ? Je trouve cela dommage car le style a pour moi énormément d’importance : il fait en sorte que la lecture apporte quelque chose de plus par rapport à un film, davantage focalisé sur l’histoire. De plus, la correction a visiblement été bâclée. J’ai en effet relevé quelques fautes de frappe dans le texte (notamment un passage qui n’était pas en italique en plein milieu d’une lettre, ce qui pose un problème de compréhension et un magnifique « on pourra pensera à la suite des événements » à la page 558). Enfin, j'ai trouvé que certains passages en disaient trop, servant clairement à introduire la suite ( je pense à la scène de la friperie et de son espace inutilisé à l'arrière pour celles et ceux qui auraient lu le livre). Ce genre d'allusions est fort peu subtile et réduit à néants tout suspense. Heureusement, l’intrigue bien ficelée et les personnages attachants sauvent ce roman. En ce qui concerne la fin, je la qualifierais de satisfaisante. Louisa atteint ses objectifs, trouve le bonheur et tire de son parcours de très belles leçons, mais malheureusement, la scène finale est extrêmement mièvre. Et bien que l’auteur cherche à briser le cliché des retrouvailles romantiques au sommet du Rockefeller center en insistant sur l’abondance de touristes, je pense qu’il aurait mieux valu éviter de terminer là-dessus. Néanmoins, si vous avez aimé les deux premiers tomes, je ne pense pas que celui-ci vous déplaira. Et malgré quelques maladresses dans l’écriture et quelques longueurs (663 pages, tout de même !), je le répète, j’ai passé un bon moment. Elise Les femmes ont toujours dû faire des choix difficiles. Mais on trouve une grande consolation à accomplir simplement quelque chose qu'on aime. Je pensais à la chance que c'était de tomber amoureuse non pas d'un homme extraordinaire, mais de deux - et de votre veine s'ils vous aimaient tous les deux en retour. Je songeai à combien nous sommes modelés par les gens qui nous entourent, et par conséquent au soin qu'il faut mettre à les choisir. Et enfin, je me dis que, malgré tout, il fallait se résoudre à tous les perdre pour pouvoir se trouver vraiment soi-même.
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Récemment, j’ai découvert plusieurs livres extrêmement bien écrits qui ont complètement bouleversé ma façon de penser et de voir le monde. Néanmoins, ce genre de lecture peut parfois être un peu « lourde », particulièrement en cette période estivale, durant laquelle on n’a pas forcément envie de se prendre la tête. Je voulais donc vous partager quelques titres plus légers pour la fin des vacances. 1. Les petits secrets d'Emma de Sophie KinsellaRésumé : Emma, comme tout le monde, a ses petits secrets. Un jour, prise de panique dans un avion, alors qu’elle est persuadée que sa dernière heure est venue, elle dévoile tous ses petits secrets à un inconnu. Elle est loin de se douter que cet inconnu est en fait son nouveau patron. J’ai adoré ce livre, qui se lit très facilement. Je vous le recommande vivement si vous aimez ce genre de lecture légère, de même que je vous recommande tous les livres de Sophie Kinsella en général. Il y est toujours question d’une femme qui a X problème dans sa vie et qui rencontre un homme dont elle tombe follement amoureuse. En ce sens, on pourrait reprocher à cet auteur de se répéter, mais mis à part cela, elle fait preuve d’une certaine originalité puisque le problème en question est toujours différent. Elle se permet même de glisser dans le fantastique dans certains de ces livres tels que Très chère Sadie et Lexie Smart a la mémoire qui flanche. J’ai néanmoins un faible tout particulier pour Les petits secrets d’Emma, dont l’héroïne est tout bonnement adorable et très attachante. 1. Mon sac Kate Spade est faux. 2. Le journal de Bridget Jones de Helen FieldingRésumé : Bridget Jones, célibataire londonienne, fait la rencontre d’un certain Daniel Cleaver, qui se trouve être son patron. Parallèlement à cela, sa mère la présente à Mark Darcy, un avocat brillant fraichement divorcé qui fait très mauvaise impression à Bridget. J’adore les livres, j’adore les films. Il est assez rare qu’un livre parvienne à me faire rire et c’est chose faite pour Helen Fielding. De plus, le format de journal rend ce livre très facile à lire. S'appeler Mr. Darcy et se tenir à l'écart, l'air arrogant. Comme si on s'appelait Heathcliff et qu'on passait sa soirée entière dans le jardin, à crier "Cathy !" en se tapant la tête contre un arbre. 3. Demain j’arrête de Gilles LegardinierRésumé : Alors qu’elle était jeune et naïve, Julie a arrêté ses études pour se consacrer à son petit ami. Aujourd’hui, il l’a quittée, elle travaille dans une banque et s’y ennuie ferme. Un jour, un charmant étranger s’installe dans son immeuble et sans trop savoir pourquoi il devient son obsession. Au fil de l’histoire, elle prend également conscience qu’elle aimerait changer sa vie et devenir celle qu’elle a toujours voulu être. L’histoire est très mignonne et le style humoristique. Je me rappelle avoir passé un très bon moment. Il faut tout espérer, au risque d’être déçu. Il faut tout éprouver au risque d’être blessé, tout donner au risque d’être volé. Ce qui vaut la peine d’être vécu vous met forcément en danger. A ton deuxième naufrage, n'accuse pas la mer. J’espère que cet article t’a plu. Il ne s’agit bien évidemment pas de grands chefs d’œuvres de la littérature, mais j’ai toujours beaucoup aimé ce genre de livres et je pense qu’il est important de lire différemment en fonction du livre que l’on lit. En effet, il existe des millions de livres qui répondent à différents objectifs et différentes envies. Il serait donc complètement stupide d’avoir les mêmes attentes vis-à-vis de Balzac que vis-à-vis de Sophie Kinsella. Il faut lire ces livres pour ce qu’ils sont : des romans feel good pour se détendre.
Elise Résumé : Delphine, cinquante ans, décide de prendre des vacances en Toscane afin de faire le bilan sur sa vie et sur la personne qu’elle est devenue. A son retour, elle apprend qu’elle est atteinte d’un cancer du poumon inopérable. Il ne lui reste alors plus que quelques mois pour assimiler la nouvelle, l’apprendre à son entourage, et se préparer pour « ce chemin qu’on ne parcourt qu’une seule fois ». Tout-à-fait consciente qu’il ne s’agissait en rien d’une lecture divertissante propre à la saison estivale, mais plutôt d’un livre lourd et difficile, j’ai néanmoins décidé de me tourner vers ce roman de Jacqueline Harpam, Récit de la dernière année. J’avais envie de retrouver l’écriture élégante et si particulière de cet écrivain belge, dont je vante les mérites à chacune de mes critiques. Par ailleurs, j’ai toujours été le genre de personne qui se pose mille et une questions sur la vie, la mort et le sens de tout cela. Le sujet me semblait de ce fait intéressant. Ce livre a donc parfaitement répondu à mes attentes, puisque l’écriture est impeccable et la thématique bouleversante En effet, la mort n’est pas un sujet facile à aborder. Il en est souvent question autour de nous, que ce soit en réalité ou en fiction, mais il est rare que quelqu’un se risque à approfondir un tel sujet dont personne n’a réellement envie d’entendre parler. Pourtant, comme le dit si bien la quatrième couverture, cette histoire, construite comme une messe mortuaire, n’a rien de morbide. Elle ne s’apparente pas non plus à une plainte et n’emprunte rien au registre du pathétique. Au contraire, il s’agit d’une ode à la vie, décrivant la force et la hargne du corps à vivre et à être humain jusqu’au bout. Ainsi, alors qu’il ne reste que quelques mois à Delphine, elle réalise avec stupeur qu’elle peut encore dormir, s’ennuyer, aimer de nouvelles personnes et parler de tout et de rien. J’ai aussi trouvé très touchante la relation qui unit Delphine, Mathilde et Pauline, trois générations de femmes unies par le sang. Après le premier choc suite à l’annonce de la maladie, elles parviennent à trouver un équilibre, à mettre en place des habitudes et des conventions leur permettant de continuer à vivre malgré la folie et l’invraissemblabilité de la vie. De jour en jour, elles apprennent l’une de l’autre, jouent à s’inventer des vies et à remonter le temps. Il n’est donc pas uniquement question de maladie et de mort dans ce roman, mais également des femmes et de la transmission des générations. Par ailleurs, et bien que je m’étais promise de ne pas faire de redites par rapport à mes précédents articles, j’ai aimé le fait que Jacqueline Harpman, comme dans Le bonheur dans le crime et dans Orlanda, ne soit pas totalement exclue de la narration. Ici, il arrive même que Jacqueline et Delphine se confondent, que les sentiments de l’une répondent aux sentiments de l’autre. Le personnage créé par l’auteur prend alors des allures d’exutoire, permettant à l’auteur de comprendre ce qu’elle-même traverse et ressent. Mais ce qui m’a sans doute le plus plu, ce sont les références au quotidien, à ces réflexions qui nous passent tous un jour par la tête et dans lesquelles il est facile de se reconnaître. Qui n’a pas déjà pris conscience avec horreur de son caractère éphémère ? Qui ne s’est pas un jour étonné d’être si impatient quand le temps nous est compté ? Qui n’a pas un jour été stupéfait (voire indigné) de voir ses souvenirs se désagréger ? Qui n’a pas souhaité se rappeler un jour d’un moment tout à fait banal, simplement pour se donner l’illusion de contrôler le temps ? A nouveau, comme elle l’avait fait dans Moi qui n’ai pas connu les hommes, par l’intermédiaire d’une histoire qui ne nous concerne pas directement, Harpman nous renvoie à nos propres interrogations et nous fait prendre conscience de l’étrangeté de notre existence. Le livre pose également la question de notre rapport à la mort et de la manière dont il a changé par rapport aux siècles précédents. Ainsi, l’auteur avance l’idée qu’une mort imprévisible ou supposée (dans le cas du marin qui ne revient jamais auprès de son épouse) est plus facile a accepter. Aujourd’hui, la médecine est capable de comprendre, de prévoir et de prévenir, et dans les cas où il n’y a plus rien à faire, Delphine se demande si c’est réellement une bonne chose. Je trouve cette remarque très intéressante, on peut même se demander pourquoi l’homme éprouve ce besoin de savoir, quand l’ignorance peut être si reposante. Je recommande bien évidemment ce livre à tous, à condition d’avoir le moral bien accroché. Effectivement, malgré tout ce que j’ai pu dire, Récit de la dernière année reste une lecture très difficile et qui n’a rien de joyeux. A lire avec modération, donc. Elise Nous allons errant, musardant, pressés ou distraits, ne regardant jamais la vieille femme en noir qui est accroupie à l'horizon, mais elle ne nous quitte pas des yeux. Soudain, la voilà si proche que nous ne pouvons plus l'ignorer. Nous tentons de ralentir le pas,et, terrifiés, nous découvrons que nous ne sommes pas maîtres du temps, il nous pousse par derrière, nous trébuchons, haletants, désespérés, nous cherchons quelque appui, il faut se raccrocher, mais déjà la vague est sur nous et nous emporte hurlant vers le silence. Résumé: Le lys dans la vallée est une longue lettre que Félix écrit à sa maitresse Nathalie. Celle-ci lui demande de raconter son histoire d’amour avec la comtesse Henriette Mortsauf. Félix n’avait que 20 ans lorsqu’ils se sont rencontrés. Mariée à un fou, mère de deux enfants malades, Henriette ne peut lui rendre son amour. Le jeune homme lui offre alors son soutien dans cette vie difficile. Pendant 6 ans, leur amour restera platonique. Mais l’arrivée d’une autre femme le bouleversera, provoquant ainsi des événements tragiques. Connaissant vaguement l’histoire de l’auteur, je m’attendais à un roman réaliste. Le lyrisme de ce livre m’a donc surprise. Effectivement, le narrateur utilise la première personne et fait de la nature le miroir de ces sentiments. Bien que ce ne soit pas le roman auquel je m’attendais, Le lys dans la vallée est un récit à la fois touchant et captivant.
Tout d’abord, l’écriture de Balzac est magnifique car elle est remplie de poésie. Par exemple, l’image délicate de ce lys, représentant Henriette, s’accompagnant d’un jeu sur les couleurs, principalement le blanc. Ensuite, l’auteur nous plonge dans l’atmosphère de la famille Mortsauf, parfois désagréable et menaçante, parfois douce et tendre. En effet, il y a ce contraste entre le comte, un homme fou et colérique, et la comtesse, attentionnée et vertueuse. Ces deux personnages sont captivants, pour des raisons très différentes. Le comte effraie par ses sautes d’humeur, sa violence, ses oublis, ses plaintes. Au contraire, Henriette attire par son dévouement envers ses enfants, sa force face à la méchanceté de son mari, son intelligence à réussir à le manipuler. Ainsi, pour protéger ses enfants de la folie de son mari, elle ne les abandonne pas et résiste malgré tous ses malheurs à ses sentiments pour Félix. Cette relation platonique entre deux êtres qui s’aiment est d’ailleurs le sujet de ce livre. J’ai suivi pendant toute ma lecture l’histoire de ce lien qui ne cesse de se modifier, pour se distendre ou s’affirmer. J’ai trouvé ce récit fascinant et complexe. Enfin, j’admire la capacité du romancier à manipuler les émotions. À cause de certaines réflexions de Félix, j’ai parfois ressenti de l’agacement. Mais après avoir lu la lettre de Nathalie qui termine le livre, j’ai compris que ces sentiments étaient voulus par Balzac. En conclusion, Le lys dans la vallée est un merveilleux roman poétique aux personnages complexes et à l’histoire fascinante. J’ai adoré ce livre et j’ai hâte de lire d’autres livres de Balzac. Rapha Partie I : CombrayRésumé : Marcel et ses parents, parisiens, rendent fréquemment visite à leur famille à Combray. Leur quotidien y est réglé comme une horloge et décrit en détail au travers des yeux du petit Marcel. Ainsi, celui-ci nous raconte avec nostalgie sa jeunesse : les promenades avec ses parents, les dimanches après-midi de lecture, les dîners précoces du samedi, les soupers avec Monsieur Swann et l’heure douloureuse du coucher. « La recherche du temps perdu » de Marcel Proust a toujours fait partie de ces livres que je voulais lire un jour mais dont j’ai repoussé la lecture à plus tard pour plusieurs raisons. D’abord, je savais Proust réputé pour sa complexité et la longueur de ses phrases, et j’avoue avoir été effrayée. Ensuite, malgré mes quelques découvertes de l’année dernière (Cf mon article 5 classiques à lire), j’ai toujours du mal à me tourner vers des classiques de moi-même, amoureuse que je suis de la littérature moderne. Mais suite à ma lecture de Orlanda de Jacqueline Harpman et après avoir ressenti la curieuse impression d’être exclue d’une conversation entre Aline et Orlanda, les deux personnages principaux de ce livre, j’ai décidé de me lancer, sans trop savoir si j’y étais réellement prête. J’aimerais vous dire que j’ai dévoré les huit volumes de la Recherche en une nuit, que je n’ai pu m’arrêter de lire tant j’ai trouvé le style de Proust envoutant, mais malheureusement je ne serais sans doute jamais ce genre de personnes, d’abord car je lis assez lentement, et ensuite parce que j’ai plutôt tendance à « digérer » les classiques qu’à les dévorer. J’ai donc pris mon temps et à ce jour, je n’ai lu que les 184 premières pages, à savoir la première partie de « Du côté de chez Swann », Combray, sur laquelle je vais me concentrer aujourd’hui. Effectivement, j’ai pensé qu’il pourrait être intéressant, pour changer, de voir évoluer mon avis et mes impressions au fil de ma lecture. De plus, je pense faire une petite pause entre chaque partie de cette œuvre colossale afin de lire d’autres livres plus « actifs ». En effet, le seul reproche, ou plutôt - car loin de moi l’idée de reprocher quoi que ce soit à Monsieur Proust – la principale difficulté que j’ai rencontrée lors de ma lecture, fut l’inaction qui caractérise ce livre. Car Proust aime décrire - il le fait d’ailleurs fort bien- et j’ai beaucoup apprécié cette précision dans la description pour ce qui est des sentiments et des impressions du narrateur. En revanche, les descriptions de paysages, d’églises, de jardins et de rivières m’ont semblées interminables, bien que je leur concède une utilité, puisqu’elles permettent de parfaitement se représenter l’environnement qu’a été celui de Marcel durant sa jeunesse. De cette manière, le narrateur donne à son lecteur l’impression que nous le connaissons intimement, et que nous savons tout de son enfance, de ses désirs et de ses peurs, alors que nous ignorons tout ou presque de sa vie à Paris (si ce n’est cet épisode de l’oncle Adolphe), où il habite pourtant la majeure partie du temps. Pour moi, il s’agit d’un véritable tour de maître que d’être parvenu à nous narrer sa personnalité et à nous donner une idée claire de qui il est sans nous en dire plus sur sa vie, ses amis, sa scolarité, … De plus, j’ai trouvé l’écriture de Proust déroutante, élégante, soignée et précise. Certes, les phrases sont longues, mais parfaitement construites. Du point de vue vocabulaire, le style ne présente aucune difficulté. La Recherche me semble donc, étonnamment, assez abordable, et surtout, elle en vaut la peine. De toute évidence, il s’agit d’un des livres les mieux écrit que j’aie jamais lus, si pas le mieux écrit. J’ai également trouvé les personnages présentés par Marcel tout à fait charmants, notamment Legrandin, citadin snobinard qui m’a arraché un sourire, mais aussi la tante Léonie et ses contradictions, Françoise et sa compassion limitée, le pauvre Monsieur Vinteuil et ses partitions et bien entendu le fameux Monsieur Swann. Ces derniers sont tous parfaitement décrits, du moins comme ils apparaissent au petit Marcel : des connaissances de Combray, dont il a pourtant analysé chaque geste, si bien qu’il nous en livre un portrait assez détaillé. Je conclurai en vous recommandant vivement de lire ce livre, sans modération si vous êtes un grand habitué des classiques, et à petites doses si vous êtes comme moi, novice. Elise Quelques extraitsLongtemps, je me suis couché de bonne heure. Parfois, à peine ma bougie éteinte, mes yeux se fermaient si vite que je n'avais pas le temps de me dire : "Je m'endors." Et, une demi-heure après, la pensée qu'il était temps de chercher le sommeil m'éveillait; je voulais poser le volume que je croyais avoir dans les mains et souffler ma lumière; je n'avais pas cessé en dormant de faire des réflexions sur ce que je venais de lire, mais ces réflexions avaient pris un tour un peu particulier; il me semblait que j'étais moi-même ce dont parlait l'ouvrage : une église, un quatuor, la rivalité de François 1er et de Charles-Quint. Ce que je reproche aux journaux, c'est de nous faire faire attention, tous les jours, à des choses insignifiantes, tandis que nous lisons trois ou quatre fois dans notre vie des choses essentielles. Puisque je voulais un jour être un écrivain, il était temps de savoir ce que je comptais écrire. Mais dès que je me le demandais, tâchant de trouver un sujet où je pusse faire tenir une signification philosophique infinie, mon esprit s’arrêtait de fonctionner, je ne voyais plus que le vide en face de mon attention, je sentais que je n’avais pas de génie ou peut-être une maladie cérébrale l’empêchait de naître. Résumé: Remplis de douceur et de tendresse, ces contes essayent de nous guider vers le bonheur. Comment ? En provoquant des prises conscience sur des vieilles blessures jamais cicatrisées, sur notre vie qui se déroule sans qu’on s’en rende compte… Il y a deux ans, j’ai découvert ces deux livres de développement personnel. Ils m’ont beaucoup aidé et j’en suis sortie avec un grand sentiment d’admiration. Cependant, une récente relecture m’a beaucoup déçue. Je ne l’avais pas remarqué lors de ma première lecture mais l’auteur évoque dans de nombreux contes son avis sur la médecine, c’est-à-dire, pour le citer : ‘‘Toutes les maladies (mal-à-dit) sont des langages symboliques, avec lesquels une personne tente de dire ou de ne pas dire l’insupportable, l’indicible.’’. Selon lui, quelqu’un de malade peut guérir en disant ce qu’il a sur le cœur, et non avec l’aide de la médecine. Personnellement, je ne suis pas d’accord avec ce point de vue et j’ai donc souvent été agacée. Malgré cette déception, j’ai adoré relire Contes à aimer Contes à s’aimer et Contes à guérir Contes à grandir. En effet, de manière ludique et enfantine, ces deux livres transmettent des morales fortes sur l’enfance, l’amour, le bonheur,... Entre autres, Jacques Salomé nous apprend à nous écouter… nous-mêmes. Avec des mots simples, l’auteur explique la complexité enfantine. Ainsi, beaucoup de ces contes parlent des questions que se posent les enfants, par exemple lorsque leurs parents divorcent : ‘‘Est-ce ma faute ? Pourront-ils un jour se remettre ensemble ? …’’ J’ai adoré les métaphores nombreuses mais simples et maîtrisées. Les jeux de mots m’ont cependant paru lourds, voire niais. Par exemple, dans un des contes, une femme aime deux hommes, l’un s’appelle Equi, l’autre Libre. Elle est partagée entre ses deux amours sans comprendre qu’elle doit les réunir pour parvenir à un… équilibre. En conclusion, je conseille ces livres aux parents en recherche de réponses, aux gens qui traversent une mauvaise passe et aux amoureux des contes. À trop cultiver la belle image de nous-mêmes, nous nous éloignons à des années-lumière de notre centre. Fondation foudroyée et Terre et fondation Résumé : 120 ans après la fin de la trilogie, une nouvelle crise Seldon vient d’avoir lieu. Rapidement réglée, elle laisse pourtant planer l’incertitude. Comment le plan Seldon peut-il être aussi précis, 500 ans après sa création ? La Fondation est-elle toujours manipulée par le Seconde qu’on croyait disparue ? Trevize et Pelorat se lancent à sa recherche. Leur longue quête leur apportera des connaissances inouïes à propos des Robots et de la Terre, la planète des origines oubliée. Après avoir fini la trilogie de la Fondation, je ne me suis pas résolue à me détacher de cet univers. J’ai donc immédiatement commencé la suite, Fondation foudroyée, avec impatience mais aussi avec quelques peurs. En effet, Isaac Asimov a écrit ces suites à cause de l’insistance des fans. L’auteur aurait pu manquer d’inspiration et se contenter de plagier ses propres œuvres. J’ai été heureuse de constater mon erreur. En 30 ans, le style d’écriture d’Asimov, déjà remarquable, a progressé.
Fondation foudroyée et terre et fondation sont des romans. Contrairement à la trilogie, les personnages ne changent donc pas. Nous apprenons ainsi à les connaitre en profondeur en les suivant dans leurs quêtes respectives puisque chacun des personnages a un objectif différent. J’ai trouvé très intéressant de voir comment, malgré tout, leurs volontés différentes les mènent à la même planète. Nous retrouvons également les personnages de la trilogie devenus d’importantes figures historiques. Bien que l’obstination de Trevize m’ait souvent agacée, j’ai beaucoup apprécié les personnages qui nous emmènent avec eux dans leur voyage dans l’inconnu. Les planètes que nous découvrons en leur compagnie nous fascinent, apportent des réflexions grâce aux différents modes de vie des habitants. Par ce biais, Isaac Asimov développe en détail de nombreux thèmes tels que l’utopie, l’écologisme, la politique, l’individualisme, la quête des origines,…Entre autres, il décrit un monde ou l’individualité est poussée à l’extrême : les gens vivent seuls et ne rencontrent jamais d’autres êtres humains. Ils sont égoïstes, privés d’empathie et leur civilisation n’avance plus. Par ailleurs, la question centrale du récit, c’est-à-dire qu’est-ce que l’utopie, suscite de nombreux débats entre les personnages mais ne reçoit pas de réponse : c’est au lecteur de la trouver. Ces livres n’ont selon moi qu’un seul défaut : il y a quelques incohérences entre la trilogie et ces deux suites. Par exemple, dans la trilogie, le commandant Prichter va sur la planète d’origine du Mulet alors qu’on apprend dans fondation foudroyée que celle-ci est inaccessible. J’ai trouvé ces deux livres géniaux et je les conseille à tous les amateurs de science-fiction, même s’ils n’ont pas lu la trilogie. Une fois commencés, je n’ai pas réussi à m’en détacher : je me suis couchée à trois heures du matin pour pouvoir les finir. Rapha Résumé : Paul-Emile, dit Pal, orphelin de mère, vit seul avec son père à Paris lorsque la guerre éclate. Le courageux garçon décide alors de s’engager dans l’armée. Mais lors du recrutement, il apparaît qu’il est le candidat idéal pour rejoindre le SEO, les services secrets britanniques, un programme mis en place par Churchill lui-même afin de combattre l’invasion allemande. Le jeune homme, après une légère hésitation, accepte la proposition et rejoint la section F, dont font également partie Gros, Faron, Stanislas, Aimé, Claude et Laura. Ces derniers, au fur et à mesure des épreuves, deviendront les uns pour les autres comme des membres d’une même famille. Suite à la lecture des deux romans qui ont projeté Joël Dicker sur le devant de la scène, La vérité sur l’Affaire Harry Québert et Le livre des Baltimore, j’ai décidé d’enchaîner avec Les derniers jours de nos pères du même auteur. Je partais plus mitigée, étant donné le sujet du roman, dont l’histoire se déroule pendant la seconde guerre mondiale. Or, je ne suis pas habituée à lire ce genre de livres, et pourtant je restais persuadée que Joël Dicker m’apporterait une belle surprise. A mon grand désarroi, j’ai eu tort. En effet, plusieurs points m’ont déplu dans ce roman.
Tout d’abord, j’ai trouvé que tout dans ce livre, que ce soit les personnages, les commentaires du narrateur ou les dialogues, sonnait affreusement cliché. Ainsi, l’auteur dépeint un personnage principal sans réelle personnalité, si ce n’est celle du héros de guerre par excellence : jeune, beau et courageux. Ce dernier a d’ailleurs écrit un poème en quittant sa ville natale pour le front, récité un grand nombre de fois au cours du récit, au point que c’en devient lassant. Par ces vers, il affirme que lui et ses compagnons sont « les derniers Hommes sur terre », idée qui revient à nouveau à de nombreuses reprises, dans la bouche d’à peu près tous les personnages. Le fait de marteler pendant des pages et des pages la même chose m’a beaucoup dérangée, cela n’apporte rien et donne l’impression que l’auteur est vraiment très fier de son idée. Ensuite, je n’ai pas aimé les personnages, très peu attachants à mon goût. Effectivement, je n’ai pas ressenti la moindre émotion, si ce n’est de l’ennui. J’ai été totalement indifférente à la mort de chacun d’entre eux, justement parce que Dicker a tendance à tirer sur l’ambulance, et à force d’en faire trop, les mots sonnent faux. Aussi, le fait que certains passages soient très techniques m’a beaucoup gênée, car je ne suis pas particulièrement bien renseignée sur le déroulement de la seconde guerre mondiale, et l’auteur semble trouver certains éléments pour acquis. Ainsi, lorsqu’il décrit les différentes missions, les différentes batailles, l’avancement de l’armée britannique, il a tendance à ne pas suffisamment rentrer dans les détails pour que ce soit réellement intelligible. Enfin, j’ai trouvé la fin très longue. Effectivement, il est surtout question des agents survivants, menant leur enquête sur la mort d’un des leurs. C’est assez ennuyeux à lire, étant donné que le lecteur sait déjà toute la vérité sur cette affaire. Il ne peut que constater l’incapacité des personnages. En somme, j’ai trouvé ce livre assez décevant et je n’ai pas pris plaisir à le lire, j’ai même hésité à le terminer. Toutefois, je dois bien lui reconnaître un point positif : il était assez instructif, dans le sens où il m’a appris de nombreuses choses sur les services secrets britanniques, leur fonctionnement, le recrutement et l’entrainement des agents, etc. Elise Résumé : Au lendemain de mai 68, Juliette, Bénédicte et Martine, âgées de dix-huit ans, quittent toutes trois leur petit village de Pithiviers afin de s’établir à Paris où elles espèrent réaliser leurs rêves. Martine aimerait économiser suffisamment d’argent pour s’envoler vers les Etats-Unis, Bénédicte voudrait faire carrière dans le journalisme, et Juliette… n’a aucune idée d’où elle va. Ensemble, elles évoluent et font des choix qui pourraient bien déterminer le reste de leur vie. Il y a quelques mois, j’ai acheté à la foire du livre de Bruxelles un recueil de trois romans de Katherine Pancol – laquelle y était d’ailleurs invitée le samedi pour une séance de dédicaces, mais comme j’y suis allée le dimanche je l’ai manquée de peu. Je suis dégoutée mais revenons à nos moutons. Ce recueil, sobrement intitulé « Premiers romans », regroupe trois de ses premiers succès : Moi d’abord, dont je vous avais parlé dans un précédent article, Vu de l’extérieur, que je n’ai pas encore lu, et Scarlett si possible dont il sera question aujourd’hui. Malheureusement et malgré un titre prometteur (rien de tel qu’une référence à Autant en emporte le vent pour me séduire), je dois bien admettre que j’ai été un peu déçue par ce livre, raison pour laquelle j’ai mis quelques temps avant de me décider à écrire cet article, car j’aime beaucoup Katherine Pancol, tant pour sa manière d’écrire que pour sa personne. En effet, j’ai regardé plusieurs de ses interviews et j’aime beaucoup sa manière de penser et de voir le monde, très positive. Je n’avais donc absolument pas envie d’en dire du mal. Toutefois, n’allez pas penser que j’ai détesté Scarlett si possible. C’est un roman qui se laisse tout à fait lire, je ne peux pas dire que j’ai passé un mauvais moment. J’y ai par ailleurs retrouvé son style élégant et efficace, ainsi que des personnages tout à fait crédibles et très bien décrits, notamment Louis, qui m’a beaucoup plu. Cependant, il n’y a pas vraiment d’intrigue, de fil conducteur, mis à part cette histoire autour du meurtrier de Pithiviers qui arrive assez tardivement et n’occupe pas une place prépondérante dans le récit. Ainsi, j’ai plutôt eu l’impression de lire une suite d’événements, d’anecdotes sans lien entre elles. De la même manière, les trois filles mènent des vies différentes, empruntent chacune leur propre chemin, et il n’y a pas d’autre lien entre elles si ce n’est le fait qu’elles aient été amies par le passé. J’aurais trouvé bien plus intéressant que Katherine Pancol tire de leurs parcours une conclusion commune, une moralité, qu’elle en profite pour aborder un même thème, qui rassemblerait leurs histoires en un tout. Ici, j’ai du mal à comprendre quel enseignement je suis censée tirer de ce roman. Je pense que l'auteur voulait aborder la liberté des femmes après mai 68, mais vu comme ces jeunes filles sont soumises et persuadées que le seul moyen d'arriver à leur fin est de vendre leur corps, je pense qu Katherine Pancol est passée à côté de son réel objectif. De plus, si les personnages sont bien travaillés, les relations qu’ils entretiennent entre eux ne sont absolument pas touchantes. En effet, l’amitié qui lie les trois filles semble même parfois assez malsaine, surtout en ce qui concerne les rapports qu’elles ont envers Bénédicte. Et ne parlons même pas des relations que ces jeunes femmes ont avec les hommes, envers leurs parents ou, dans le cas de Martine, avec sa sœur… J’avais vraiment l’impression qu’au final, personne ne s’aimait ou ne tenait vraiment à qui que ce soit dans ce roman. J’ajouterais à cela, même si ce ne sont que des détails, que je pense qu’il était beaucoup trop question de béton dans ce livre, un sujet qui ne m’intéresse absolument pas. De plus, certains passages sont extrêmement vulgaires, et je ne pense pas que ce langage fleuri apporte véritablement quelque chose à l'intrigue, pour ainsi dire inexistante. Concernant la fin, elle aurait pu être poétique si les personnages, en l’espace de quelques années, n’étaient pas devenus aussi antipathiques, voire aigris (Je pense surtout à Juliette). Je ne conseille donc pas ce livre, et croyez-moi, j’en suis vraiment désolée, mais je pense qu’il est loin d’être le meilleur de l’auteur. Elle a écrit d’autres choses bien plus touchantes, notamment Les hommes cruels ne courent pas les rues et Les écureuils de Central Park sont tristes le lundi, auxquels j’aurais bien du mal à trouver des défauts. Elise Remarque: malgré tout cela, il faut bien avouer que Katherine Pancol sait manier les mots. Pour preuve, ces deux très beaux extraits. Parce que, même dans la mort, y a les bons et les mauvais élèves... Ceux qui ont droit à un programme spécial à la télé et ceux qui écopent de trente secondes de notule funèbre. Le moyen de passer à la postérité en faisant si court! Faut mourir le bon jour pour ne pas rater sa sortie. C'est ça le bonheur, l'impression d'exister très fort et d'avoir remporté une victoire... C'est une matiere volatile; il se pose un instant, le temps de se faire remarquer, puis repart. On respire, on deplie son thorax, on se dit "je suis bien", mais si on essaie de reproduire cet état si heureux, ça ne marche pas. Le bonheur se méfie des images, des clichés et se tire á toute allure. Résumé : Aline, trentenaire à la vie bien rangée, attend un train dans un café, à quelques mètres de Lucien, un jeune homme séduisant lassé par la vie. Alors que la belle universitaire essaie de percer à jour les secrets de Virginia Woolf, sans qu’elle s’en rende compte, une partie de son âme se détache d’elle et va se loger dans le corps du beau Lucien. Comme je l’ai expliqué dans mes précédents articles, j’ai, au cours de ces derniers mois, développé une grande admiration pour Jacqueline Harpman. Par conséquent, une fois remise de ma lecture de Moi qui n’ai pas connu les hommes, je me suis attaquée à mon troisième roman d’Harpman, Orlanda, l’œil sans doute attiré par ce titre qui n’était pas sans me rappeler un certain Orlando. Il s’agit en effet, comme vous l’aurez sans doute compris, d’un hommage au célèbre roman de Virginia Woolf, dont la poésie m’avait bouleversée. Malheureusement, je n’avais pas poussé ma lecture plus loin, ne m’était pas documentée sur ce roman et n’avait pas cherché à « trouver le sens derrière les mots », ce à quoi ma chère compatriote belge s’est empressée de remédier. Et c’est indubitablement ce qui m’a le plus séduite dans ce livre : Jacqueline Harpman y développe une interprétation tout bonnement fascinante de l’Orlando de Virginia Woolf. Je vous laisse juge : Mais il n’a jamais été un garçon ! s’écria-t-elle. Les sept jours au lit, ma mère m’en a assez bassiné les oreilles, c’est la puberté ! Tout n’est qu’allégorie et c’est elle-même que Virginia raconte ! […] C’est dans l’enfance que les années passent sans qu’on vieillisse ! Et puis le moment du grand changement est venu, il a fallu d’enfant asexué passer à la femme. Ainsi, la plus grande révélation fut pour moi qu’Orlando avait toujours été femme, figurant Virginia Woolf elle-même qui, en passant à l’âge adulte, se voit contrainte de renoncer à sa liberté, car la condition de la femme est emprisonnée de convenances et de règles. Jacqueline Harpman parvient, par cette interprétation, à faire ressortir de ce livre au style alambiqué une vision féministe. Je trouve aussi admirable qu’elle ait trouvé un moyen d’aborder le sujet à sa manière, en lui donnant une signification bien plus limpide que la version originale et une moralité clairement exprimée. Ainsi, chacun de nous devrait s’écouter, ne pas se restreindre à ce que son entourage attend de lui, et tout simplement se laisser être lui-même. A cet égard, cet extrait est très représentatif : On détruit sa vie sans le savoir, pour complaire à des gens qui vous ennuient, mais auxquels on n’arrive pas à résister. En effet, il aura fallu que le pauvre Lucien se retrouve possédé par un inconnu sans attaches aucune à sa famille pour qu’il parvienne à dire non aux attentes illégitimes de sa famille. Car contrairement aux idées reçues, on ne doit pas forcément l’obligeance à sa famille, à partir du moment où elle nous rend malheureux. Cette idée est très peu courante, et encore plus rarement exprimée, alors que ces notions de devoir et d’appartenance familiale empoisonnent la vie de tant de gens. Aussi, tout comme dans le Bonheur dans le crime, l’auteur glisse toute une série d’allusions à son rôle de romancière, tenant entre ses mains le destin de ses personnages, qui semblent pourtant lui échapper. J’aime beaucoup ce genre d’effets littéraires, par lesquels un écrivain se joue de son lecteur. Enfin, la confrontation matérialisée des deux parties opposées d’une seule âme est tout bonnement fascinante. Effectivement, l’étrangeté et l’originalité de la situation m’a subjuguée. En conclusion, alors que les premières pages m’avaient fait craindre une déception (les personnages ne prennent de relief qu’au fil du récit. Au début, ils sont très stéréotypés : Orlando est immature et imbu de sa personne, Aline est vide et sans intérêt), pour toutes les raisons que je viens d’énumérer, j’ai beaucoup aimé une grande partie du roman. Malheureusement, une fois les deux âmes retrouvées, le temps m’a semblé long, il s’écoule de nombreuses pages sans qu’il ne se passe rien de remarquable. Cependant, la fin est conforme à mes attentes, c’est-à-dire spectaculaire et diablement immorale. Avant de vous quitter, toutefois, un avertissement : de longs passages sont consacrés à des supputations sur le livre de Virginia Woolf, qu’il vaut donc mieux avoir lu avant, sans quoi le roman perdrait de sa saveur. De la même manière, il y est également beaucoup question de la Recherche du temps perdu de Proust, que je n’ai pas lu. Il faudra bien sûr y remédier un jour, mais en attendant, une partie de ce livre m’a totalement échappé, ce que je regrette. Elise Elle réchauffa un reste de café -hors la pendaison et autres symptômes excessifs, est-il un geste qui signale plus clairement la dépression que de réchauffer du café au risque qu'il bouille, alors qu'on a tout ce qu'il faut pour en faire du frais? |
AuteursRaphaëlle, 17 ans, grande lectrice, du classique à la science-fiction. Archives
Juin 2019
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